Les mutations

panorama,
page plus détaillée sur les mutations :
De la mutation au problème de la variation
accueil, cours seconde


Cette page n'est pas un cours (je refuse d'enseigner les inepties que l'on trouve sur les mutations dans les manuels scolaires) mais est écrite cependant à l'intention des élèves de seconde, première et terminale.

Plan


Au départ il y a une observation (un phénomène) d'un changement brusque et permanent.


1 - Le terme de mutation désigne d'abord l'hypothèse d'un changement héréditaire


 

 

 


Une mutation est un changement brusque* mais permanent et héritable** observé dans une descendance.


* le changement brusque est une observation
** le caractère héritable peut être mis en évidence expérimentalement et la stabilité vérifiée sur un certain nombre de générations; l'hérédité est prise au sens de Weismann (l'héritable s'oppose à l'acquis
, voir page sur l'évolution).

La mutation touche des individus et non pas les espèces, à l'inverse de l'évolution.

 

 

Une mutation est brusque, elle apparaît chez un individu nouveau, au sein d'une population, à l'issu d'une reproduction, et on ne peut parler de mutation que si le caractère reste stable chez l'individu muté et se transmet à la descendance (héritable).

 

Il n'y a pas de mutations-phénomène humaines ; nous ne sommes ni des mouches ni des bactéries
La science-fiction s'est emparée du concept et il est parfois difficile de démêler le vrai du faux. Les mutants (et tout particulièrement les mutants humains) ne sont que des caricatures des mutations réellement observées chez quelques organismes modèles : mouche Drosophile (Drosophila melanogaster), poisson-zèbre (Dano rerio), l'arabette (Arabidopsis thaliana)...
L'idée que des rayonnements puissent produire des mutations chez des adultes vient de l'extrapolation plus que hasardeuse des résultats obtenus dans des colonies de bactéries qui, en se divisant, peuvent donner naissance à des bactéries différant par un caractère moléculaire ou physiologique...


Oenothera lamarckiana

 

page d'histoire des sciences sur l'hérédité

Il semble que ce soit Hugo de Vries (1848-1935) (qui travaille sur Oenothera lamarckiana, ci-contre) qui utilise la première fois le terme de mutation dans un sens biologique en nommant ainsi le changement brusque de caractères observé dans une descendance.

Les mutations furent ensuite étudiées sur la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster, notamment par Morgan (certains d'entre vous verront cela dans le cours de terminale S de spécialité).

Les hypothèses de type mutation font historiquement partie intégrante de la théorie de l'hérédité weismannienne.


image d'après http://www2.ville. montreal.qc.ca /insectarium/toile /nouveau/gest/ uploaded/ 28879.gif
Étant donné la complexité de l'organisation d'une mouche, le mutant "yeux blancs" n'est pas défini par ce seul caractère morphologique (couleur des yeux): selon le niveau d'étude, on considérera des modifications physiologiques, anatomiques, cellulaires et moléculaires. Rien ne prouve que deux mutants de même phénotype présentent les mêmes différences à chaque niveau d'étude.


On s'est donc ensuite intéressé à des organismes plus simples : de nombreux travaux tentent alors de provoquer des mutations plus ou moins contrôlées sur les bactéries et sur les cellules de levure de bière (Saccharomyces cerevisiae).

Chez ces organismes, on s'est aperçu notamment que la fréquence de mutation augmentait fortement par l'action de substances chimiques (agents mutagènes) ou de rayonnements (ultraviolets = u.v.).

Puis, une fois le modèle bien développé on est revenu vers des organismes-modèles plus complexes : on explore ainsi les mutations chez le poisson-zèbre, par l'application d'agents mutagènes. Mais en fait, on sélectionne toujours des individus survivants à différents traitements plus ou moins toxiques.


2 - Puis "mutation" en est venu à désigner l'hypothèse d'un mécanisme génétique variable


Au début, la plupart des mutants obtenus étaient principalement des organismes déficients ou tout au moins dont la mutation ne constituaient pas un avantage. Ces individus étaient alors compris comme des monstres ou, pour le moins, comme le résultat d'erreurs de la nature.

Le nouveau visage de l'hypothèse mutationniste va se révéler avec la fusion entre la génétique foisonnante et l'hérédité weismannienne déjà ancienne au milieu du XXe siècle.


Mais tout à changé à partir de l'article de Luria et Delbrück de 1943 qui pour la première fois présentait une mutation comme favorable (la résistance à un virus).

Du fait de l'incroyable développement des études génétiques, la mutation se trouva alors associée d'une part aux mécanismes génétiques de la biologie moléculaire naissante et d'autre part au darwinisme puis au néo-darwinisme qui devint la théorie de l'évolution dominante (voir les théories de l'évolution). Les mutations furent placées au cœur du mécanisme de sélection naturelle (on parle de mutationnisme).

Article original en anglais
S. E. Luria et M. Delbrück, 1943. Mutations of bacteria from virus sensitivity to virus resistance. Genetics, 28: 491-511 (disponible à l'adresse:
http://www.esp.org/ foundations/ genetics/ classical/holdings/l/ slmd-43.pdf)

Une analyse critique et historique est disponible sur la page complémentaire.

Pages d'histoire des sciences (niveau 1ère S-Term S):
La transformation bactérienne (Griffith puis Avery, McLeod, McCarthy)
Beadle et Tatum et le concept un géne-une enzyme
Morgan et la génétique


La mutation est la supposition d'un mécanisme génétique de modification brusque de l'ADN.

Le coin des âneries



Une vision scolaire classique qui serait risible s'il elle n'était pas si répandue
(c'est peut-être même le cours de SVT que vous avez eu...): voici quelques erreurs relevées ...

- code génétique employé à la place d'information génétique;
- un gène moléculaire ne contient que l'information pour la séquence primaire des ARN et protéines, ce qui est loin d'en faire une information suffisante (même si elle est nécessaire) pour rendre compte de leur forme et encore moins de leur rôle (voir
cours de 1ère S); imaginer que les gènes rendent compte de la totalité de l'organisation et du fonctionnement de l'être vivant relève absolument de la science-fiction (voir histoire)
- vision moléculariste simpliste d'une évolution moléculaire "darwinienne" (voir
évolution) à dépasser

Qu'est-ce que l'évolution ?

Sans entrer dans le détail, inutile à ce niveau d'enseignement, il existe deux types de mutations:
- les mutations ponctuelles (changement, délétion ou insertion, d'une seule base de l'ADN);
- les mutations de plus grande ampleur, qui sont des réarrangements, avec coupure de la molécule d'ADN et réunion des fragments de façon variée.
Ces mutations sont considérées comme le moteur de l'évolution dans une théorie darwinienne (microévolution).

On peut y ajouter les mutations chromosomiques qui sont des réarrangements des chromosomes et qui pourraient rendre compte de la macroévolution dans une perspective darwinienne.

 

 

pour une étude plus détaillée (qui n'est pas du niveau de seconde, ni même du lycée) voir une page complémentaire : De la mutation au problème de la variation.


Le flou, l'aveuglement ou même l'erreur fondamentale dans cette vision vient ce que la modification brusque de l'ADN DOIT ÊTRE ASSOCIÉE, pour que l'on ait une mutation, à LA CONSERVATION et À LA TRANSMISSION de cette mofication. Il est clair qu'actuellement, les mécanismes génétiques moléculaires connus tendent tous à nous montrer que la cellule CORRIGE ses erreurs et ne les transmet pas.
En fait c'est la méthode d'obtention des mutants qui est inadéquate, car au lieu de chercher à connaître la séquence de l'ADN des cellules supposées mutées, on SÉLECTIONNE celles qui ont les nouvelles propriétés atttendues, puis on étudie éventuellement leur génome. Les modifications corrigées ou transmises sans modifications de propriétés, ou transmises avec des modifications inattendues, nous échappent.

3 - Une fois le mécanisme génétique répandu dans toute la communauté scientifique, tout phénomène de changement est interprété de façon erronée à l'aide d'un mécanisme génétique qualifié de mutation


De nombreux scientifiques (mais de moins en moins de biologistes moléculaires) pensent que tout organisme vivant est une machine extraordinairement complexe, dont le fonctionnement et le développement sont déterminés par un programme génétique, stocké dans l'ADN et exprimé de façon plus ou moins modulée par l'environnement (on parle de facteurs épigénétiques).

Mais ce point de vue ne fait plus l'unanimité dans la communauté scientifique. Ceux qui refusent le déterminisme d'un programme travaillent à montrer l'autonomie de l'être vivant qui allie la stabilité de ses fonctions et la capacité à s'adapter en permanence (sa variabilité).

Pour les tenants de la théorie synthétique de l'évolution, majoritaires, mais sans hégémonie, les mutations sont considérées comme des erreurs qui interviennent au hasard et sont sélectionnées par le milieu (les néfastes étant supprimées par mort de l'organisme, les neutres et les favorables conservées et donc transmises : c'est le mutationnisme qui s'inscrit dans une perspective d'évolution darwinienne, voir Qu'est-ce que l'évolution ? ).

Cette doctrine subit les assauts des biologistes qui revendiquent l'autonomie de l'être vivant (qui rejettent le programme génétique) et des évolutionnistes non darwiniens (qui rejettent le hasard et la sélection naturelle).

Dans la technique qui consiste à sélectionner sur un milieu particulier des individus qui possèdent des propriétés nouvelles, on suppose, bien souvent de façon totalement indue, qu'il existe une sélection de mutants préadaptés. Cette vision simpliste est progressivement remise en cause, mais demande un énorme travail (pour un travail ardu de recension par N. Amzalag voir page complémentaire).
Lorsqu'on prend le temps d'habituer progressivement des organismes à de nouvelles conditions de milieu, on se rend compte que tous sont capables d'
adaptation, mais à des périodes particulières de leur développement (périodes critiques).

De la même manière, les organismes sélectionnés qui présentent une anomalie de développement sont trop vite et trop simplement considérés comme des mutants génétiques, alors qu'il existe tant d'autres mécanismes physiologiques de régulation qui conduisent à des discontinuités dans le développement.


Dans une perspective de 1ère S...

Une discussion, qui n'est pas du niveau du lycée : De la mutation au problème de la variation.

Cette vision est considérée comme de plus en plus erronée, car:
- l'idée de machinerie s'éloigne (l'organisme n'est pas une machine, mais un individu doué d'autonomie
: voir les niveaux d'organisation du vivant)
- le déterminisme génétique est pris en défaut dans tellement de cas qu'il n'est plus possible de le considérer comme un acquis, même s'il reste un niveau où il peut être pertinent. Il est doublé d'un indéterminisme (on parle de relations non linéaires); certains biologistes pensent même que l'activation-répression des gènes est un mécanisme probabiliste (dans le sens d'aléatoire).
- le génétique (au sens de la génétique moléculaire,
voir cours de 1èreS) n'est pas l'héréditaire, mais surtout le nutritif (voir cours de seconde); les mutations correspondant à des modifications du métabolisme nutritif (particulièrement chez les bactéries, les levures, mais aussi chez les plantes, et de façon plus prospective chez l'homme - voir les déficiences du métabolisme, très souvent interprétées avec cette vision étroite de la mutation : alcaptonurie et phénylcétonurie)

Qu'est-ce qu'un gène ?

Des erreurs innées du métabolisme: alcaptonurie et phénylcétonurie


En résumé

La plupart des mutants ont probablement pour origine une tout autre cause qu'un événement génétique.

Lors de brusques changements de conditions de milieu, seuls certains organismes survivent. On les qualifie à tort de mutants. En effet, on peut adapter TOUS les individus si on les habitue progressivement et si l'on respecte les périodes critiques.

En travaux


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