Les niveaux d'organisation du vivant

retour plan du cours de 1èreS

Cette page est en construction permanente mais a pour but de fournir des répères aux élèves

Les idées présentées ici ont été reformulées début 2005 à l'aide des celles de René Thom (deux ouvrages par exemple exposent simplement ses idées : Modèles mathématiques de la morphogénèse et Paraboles et catastrophes; ce dernier ouvrage étant tout à fait accessible à un élève de 1ère ou de terminale cultivé, sa lecture est donc fortement recommandée).


plan

1. Les trois niveaux d'organisation du vivant : une hiérarchie compréhensive (partie biologique)

2. Une organisation donnée ou pensée ? (partie culturelle)

3. Pour une hiérarchisation au moyen du concept de phases (partie théorique ; en travaux)


1. Les trois niveaux d'organisation du vivant : une hiérarchie compréhensive
Le tableau ci-dessous présente une vue d'ensemble; chaque niveau est ensuite détaillé plus bas

niveau écologique
niveau anatomo-histo-physiologique
niveau cellulaire, ultrastructural et moléculaire
La population, société d'individus en évolution

Les caractéristiques d'une population, au sein d'une espèce, dépendent de leur histoire (évolution, spéciation) et des interactions entre les membres de la population entre eux et de celles existant avec tout l'écosystème.

L'organisme, société de cellules en développement

Les caractéristiques d'un organisme pluricellulaire (animal ou plante) sont à considérer comme résultant d'un développement. A chaque instant de son développement et de sa vie, l'organisme, en tant que société de cellules, résulte d'un travail mémorisé et d'un travail coordonné.

La cellule, unité au travail

Le vivant n'est pas défini au niveau strictement moléculaire (biochimique): rien ne distingue une molécule issue d'un être vivant d'une molécule identique obtenue par synthèse. Une molécule organique ou minérale du vivant doit toujours être replacée dans le travail cellulaire.
On peut dire qu'un organisme unicellulaire, procaryote ou eucaryote, est plus (qualitativement) que la somme de ses composants chimiques. Le vivant comporte à la fois la matière, l'information et l'énergie mais, plus encore, c'est une cellule au travail
(ceux qui tentent de créer la vie en laboratoire me semblent d'orgueilleux fous... jusqu'à preuve du contraire tout être vivant est né d'un autre être vivant... et repousser le problème dans le temps ne change rien à la philosophie de l'acte créateur). Le triple travail du vivant est un travail de relation, de nutrition et de reproduction.

sociétés
ethnies, groupes, familles
organismes pluricellulaires (mycètes, plantes, animaux)
organismes unicellulaires en colonies, organismes unicellulaires solitaires
cellules
assemblages moléculaires, molécules
atomes, particules

Les caractéristique d'un être vivant doivent aussi être étudiées par comparaison avec celles des individus de la même espèce, au cours du temps (évolution) et au sein de son milieu de vie (écologie). Comme pour un seul organisme on s'efforce de considérer la naissance de la population, sa croissance et sa mort.

Tout être vivant naît, vit et meurt. Toute caractéristique propre d'un être vivant est donc partiellement héritée (embryologie) et est modifiée au cours de la vie (développement). Le triple travail de relation, nutrition et reproduction est toujours le point de vue principal de toute étude du vivant.

Une molécule ou un complexe moléculaire du vivant devra toujours être étudiée avec sa "naissance" (lieu et mode de synthèse...), sa "vie" (sa fonction, ses relations avec le travail de relation, de nutrition ou de reproduction de la cellule qui la synthétise...) et sa "mort" (son turn-over, sa dégradation...).


la cellule,

unité au travail
(travail de relation, de nutrition et de reproduction)

 

 

 

page plus complète
sur
la cellule et Au-delà de la cellule
présentant des données récentes


les molécules

composants

(d'après Biologie moléculaire de la cellule, Alberts et al., 1994, Tableau 3-1)

% de la masse cellulaire
cellule procaryote
(V= 2.10-12 cm3)
cellule eucaryote de Mammifère
(V= 4.10-9 cm3)

H2O

70

ions minéraux (Na+, K+, Mg2+, Ca2+, Cl-, Fe3+...)

1

petits métabolites organiques (acides, alcools,...)

3

macromolécules

protéines

15
18

acides ribonucléiques (ARN)

6
1,1

acides désoxyribonucléiques (ADN)

1
0,25

polysaccharides

2

lipides (pouvant former de grosses molécules par assemblage à l'aide de liaisons faibles mais ce ne sont pas des macromolécules dont les composants sont reliés par des liaisons fortes; on ne considère pas que les groupes (-CHn) assemblés dans les AG constituent des véritables polymères mais que leur mode de synthèse seul s'apparente à une polymérisation)

2
5


les systèmes cellulaires
* l'eau structurée

l'eau du vivant est à 80% sous forme d'un film de 1,1 nm d'épaisseur entre les macromolécules (eau interfaciale); l'eau libre, située dans des vésicules et autres vacuoles est rare. Dans l'eau interfaciale, fortement structurée, les lois de la chimie des solutions ne s'appliquent pas. Les transports dans la cellule sont réalisés par des macromolécules et systèmes spécialisés. (voir page détaillée sur la cellule et Au-delà de la cellule )


* systèmes macromoléculaires

complexes moléculaires ordonnés (ou quelques compartiments simples des PROCARYOTES et EUCARYOTES):
par exemple un ribosome (association d'ARN et de protéines), la paroi (nombreux procaryotes et unicellulaires, mycètes et plantes) ou les nombreux systèmes enzymatiques, parfois associés à une membrane, comme support: c'est le dernier niveau d'organisation des PROCARYOTES.
Le mésosome bactérien ou les circonvolutions des hétérocystes ou des cyanophycées peuvent se distinguer des systèmes membranaires des eucaryotes dans la mesure où ils sont en continuité avec la membrane plasmique.

systèmes membranaires (ou quelques compartiments cellulaires complexes des EUCARYOTES):

  • système génétique:
    ségrégation du matériel génétique associé à la membrane interne dans une cavité du RE (noyau)
  • système métabolique de synthèse tourné vers l'extérieur:
    REL, REG, vésicules et Golgi: système de synthèse et de distribution de nombreux métabolites (protéines membranaires et protéines exportées par exemple)
  • système lytique et oxydatif - système de réserve:
    vésicules lytiques (lysosomes) et vacuoles (unicellulaires et plantes), peroxysomes (unicellulaires et plantes)
  • système respiratoire:
    mitochondries
  • système photosynthétique:
    chloroplastes (unicellulaires et plantes)

systèmes non membranaires (des EUCARYOTES) :
Le cytoplasme, encore fort mal connu avec son cytosquelette...qui doit sans aucun doute sa structure à l'eau (voir ci-dessus)... les centrioles, indubitablement associés au noyau...


Les travaux du vivant sont des fonctions globales (prégnances) de tout l'être vivant et par définition ne reposent pas uniquement sur des structures locales (saillances): voici cependant quelques participations plus claires que d'autres...

travail de relation
travail de nutrition
travail de reproduction

la membrane plasmique et le cytoplasme, toutes les vésicules assurant un trafic de composants, la paroi et les sécrétions

système génétique, métabolique, lytique et oxydatif, de réserve, respiratoire et photosynthétique

les acides nucléiques, les chromosomes (et non le système génétique en tant que tel), les centrioles mais aussi tous les organites capables de se dupliquer (mitochondries, chloroplastes...)


l' organisme

société de cellules en développement


les organismes unicellulaires

On peut différencier un organisme unicellulaire d'une cellule isolée d'un pluricellulaire à l'aide d'au moins deux raisonnements:

* un organisme forme un tout. C'est un rapport à l'ordre, à l'ordonnancement des parties: un organisme est ordonné, forme un tout stable, insécable (sans en altérer l'unité). C'est un rapport d'ordre et d'intégration des parties au tout.
* un organisme est autonome. C'est un projet, une fin, autosuffisante, du point de vue biologique. La fin de l'être vivant est sa survie, sa reproduction. Alors qu'une cellule isolée d'un pluricellulaire n'a d'autre projet que de faire partie de l'organisme complet: elle ne trouve pas sa fin en elle-même. La formulation d'un être vivant au travail exprime cette finalité biologique
(voir cours de terminale S pour une discussion sur la finalité).

On classe à part des niveaux d'organisation intermédiaire (primitif ou dérivé...) entre la cellule unique et l'organisme pluricellulaire animal et végétal:

  • les colonies d'unicellulaires tant procaryotes, dont c'est le mode habituel de vie, qu'eucaryotes comme la totalité des organismes que l'on classait avant dans les algues vertes à thalles (l'Ulve par exemple)
  • les cœnocytes (organisme unicellulaire présentant plusieurs noyaux dans un large territoire cytoplasmique délimité par une membrane unique)
  • et les syncytium (tissu composé de cellules non séparées par cytodièrèse et qui partagent donc un gigantesque compartiment cytoplasmique unique)


les tissus: populations cellulaires

A la suite du développement, les cellules des pluricellulaires, groupées en populations, parfois d'origine diverses, se spécialisent (se différencient) et forment des tissus. Les tissus sont définis par l'unité de fonction: un tissu est une population - ou un ensemble de populations - de cellules différenciées qui concourent à une fonction : tissu sanguin, tissu conjonctif, tissus osseux, épithéliums de revêtement... Mais lorsque l'on arrive à des organes complexes comme un poumon ou le tube digestif, la notion de tissu devient franchement difficile à manier, étant donné le nombre de populations cellulaires qui participent à la fonction de l'organe. Le terme de population cellulaire, plus général est assez commode pour définir un ensemble de cellules de même origine embryonnaire et qui participent à un système organique. Le sang par exemple est issu du développement d'une population cellulaire dont l'origine se trouve dans les cellules souches de la moelle rouge des os.


les organes et les appareils: les systèmes organiques

Au cours du développement les populations cellulaires interagissent, se joignent les unes aux autres et participent à l'élaboration de structures complexes qui concourent aux grandes fonctions de l'organisme: digestion, circulation, excrétion, respiration, reproduction... ces structures sont souvent qualifiées d'appareils. Je préfère le terme de système organique, en continuité avec les systèmes moléculaires de la cellule.

En dernier lieu, l'organisme vivant réalise un triple travail de relation, de nutrition et de reproduction, qui définit son caractère principal d'être vivant.



La population,

société d'individus en évolution

les sociétés animales et humaines


les populations et l'écosystème


En écologie, l'espèce n'est pas une division de terrain mais une notion théorique. On étudie par contre les populations, monospécifiques (formés d'individus de la même espèce: qui se reproduisent entre eux et qui vivent dans une même niche écologique). Elles échangent des gènes entre elles par l'intermédiaire d'individus migrants, ce qui permet de considérer ces échanges de gènes comme un mécanisme intervenant plus comme travail de relation que de reproduction. L'étude exhaustive d'une biocénose, qui désigne l'ensemble des êtres vivants d'un milieu (biotope), est quasiment impossible. C'est pourquoi elle est délaissée au profit de celle des peuplements ou communautés plurispécifiques (par exemple les oiseaux d'une forêt) au sein desquels les populations interagissent entre elles (compétition, prédation, commensalisme, parasitisme....) et avec le milieu. L'écosystème, notion théorique elle aussi, comprend la biocénose et le biotope. On l'utilise notamment dans les études à composante évolutive (paléoécologie). L'étude écologique incluant l'homme, comme élément déterminant de l'évolution des écosystèmes, est appelée écologie du paysage (ou encore géoécologie). La biodiversité (que l'on sépare souvent en diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes) est devenue un thème écologique majeur qui s'est adjoint l'ethnodiversité (diversité des êtres humains et sociétés humaines) et la géodiversité (diversité des minéraux et associations minérales ou roches).

Constituant en quelque sorte des "super organismes", les sociétés animales (et avec un regard partiel mais légitime, les sociétés humaines) s'étudient avec les moyens de la biologie des organismes; la division du travail (de relation, de nutrition et de reproduction) se faisant non plus entre les systèmes organiques mais entre les individus

 

l'organisme, et son milieu


L'écologie des organismes ou autoécologie étudie l'action du milieu sur les êtres vivants et leurs réactions en retour; ce que l'on désigne sous le terme d'adaptation. Toute étude physiologique doit être mise en regard avec les éléments du milieu, ce qui se fait principalement au moyen de la physiologie comparée (entre individus dans un même milieu ou entre individus de la même espèce dans des milieux légèrement différents).



2. Une organisation donnée ou pensée ?

Très certainement les deux.


2.1 - hasard ET nécessité: le déterminisme

La causalité, qui est du domaine de l'être, n'est pas équivalente au déterminisme qui est plutôt du domaine du phénomène (qui a agi). Voir à ce sujet une page annexe sur les 4 causes d'Aristote.

Il faut accepter de dire qu'il n'y a pas de déterminisme expérimental absolu. Dans tout phénomène il y a une part de déterminé (pour lequel on peut trouver des causes qui ont joué (efficaces) et donc une explication par des lois opératives) et une part d'indéterminé (pour laquelle seule une description statistique sera possible). Refuser le déterminisme conduit à une impuissance complète sur le phénomène et refuser l'indéterminisme n'est qu'illusion d'un contrôle total du phénomène.


2.2 - description ET explication : la connaissance scientifique


De la même manière que le déterminisme et l'indéterminisme se côtoient dans une réalité qui nous dépasse, la description et l'explication sont deux facettes d'une connaissance scientifique qui ne peut se focaliser sur l'une au détriment de l'autre.

Pour notre domaine des SVT aux deux extrêmes on peut voir par exemple la biologie moléculaire qui se réclame de l'explication scientifique, appuyée par une expérimentation toujours plus sophistiquée et chère, alors que la paléontologie, science historique sans expérience possible, doit se contenter de la description. Sans nier sa pertinence il ne faut pas se focaliser sur cette dichotomie.

les sciences expérimentales et leurs méthodes

On peut considérer, avec René Thom, qu'il y a deux types d'explication scientifique :

l'explication réductionniste considère que les niveaux supérieurs de compréhension d'un phénomène s'expliquent complètement par une combinatoire des éléments du niveau le plus inférieur; en biologie cela conduit à considérer la biologie moléculaire comme l'explication ultime du vivant; cette approche va souvent de pair avec une philosophie de type atomisme mécaniste.
Mais c'est oublier et la dimension des espaces à traiter (nombre de particules faramineux, paramètres quantitatifs et qualitatifs innombrables...) et la part d'indéterminé de tout phénomène. On peut même dire que cette approche n'a JAMAIS réussi à induire de données moléculaires UNE SEULE morphologie un peu complexe comme par exemple une mitochondrie ou un métabolisme dans toute sa diversité. On peut considérer que cette voie est celle qui va du discontinu au continu.


l'explication structurale repose sur la recherche d'une morphologie empirique à un niveau donné d'organisation sans chercher à en justifier les contours à partir des éléments des niveaux inférieurs; elle s'efforce, par une formalisation mathématique d'éliminer l'arbitraire de la description. On peut considérer que cette voie part du continu pour y placer le discontinu.


Remarque:
L'approche réductionnisme est souvent quantitative mais peut aussi être qualitative (il suffit de considérer le vocabulaire "magique" lié à la biologie moléculaire du gène: information génétique, transcription, traduction, expression de l'information ou encore des termes comme l'autoréplication, l' autocatalyse...). De même, l'approche structuraliste n'est pas systématiquement qualitative et surtout elle peut être douée d'une grande capacité prédictive : l'exemple donné classiquement par René Thom est celui de la loi de gravitation de Newton F = k MM' / r2 (F, force d'attraction entre deux masses pesantes (graves) M et M' distantes de la distance r, k étant un coefficient de proportionnalité) qui est bien une approche structuraliste quantitative.

J'ai essayé de présenter la fonction enzymatique
à travers ces deux approches dans le
cours de 1èreS.


2.3 - signification et scientificité


(Les chemins du sens à travers les sciences, René Thom, 1984f9.pdf; idées reprises de façon beaucoup plus complète dans Esquisse d'une Sémiophysique, 1988)

Le sens d'un fait scientifique, d'une observation, d'un mécanisme n'est pas aussi évident qu'on pourrait superficiellement le penser.

Le sens peut être externe, donné par l'homme.

L'utilité technique ou technologique donne de facto un sens à une découverte pour l'homme; en ce sens «tout moyen bascule en une fin en soi » (Adorno);

Mais le sens peut aussi être interne à l'être vivant:

l'utilité biologique ou pragmatique consistant pour un organisme à satisfaire un besoin peut être considérée comme significative. Thom y voit un grand mécanisme évolutif par propagation des prégnances* communiquées à des formes induites de plus en plus nombreuses devenant à leur tour formes-sources. On pourrait dire que c'est un néo-lamarckisme si l'on se réfère à l'aphorisme "la fonction crée l'organe". Thom va jusqu'à inclure l'intelligence dans ce processus: « de ce point de vue l'« intelligence » peut être considérée comme liée à une flexibilité permanente de cette « blastula physiologique** » qui sous-tend toute la régulation de l'être vivant (néoténie de l'espèce humaine ?) : l'intelligence est alors vue comme la capacité de créer des processus finalisés nouveaux ».

Cependant, le sens de l'activité scientifique n'est pas le sens de l'être vivant. Au contraire, la recherche en biologie, si proche de la source de tout sens (la vie), se rattache bien souvent à des paradigmes empruntés aux sciences humaines au lieu de trouver en son sein ses racines. C'est le travail d'une ontologie auquel René Thom s'attelle.

 

 

Au sens de Thom les niveaux d'organisation des êtres vivants sont les saillances*. Elles ne peuvent se comprendre sans référence aux prégnances* qui recoupent les grandes fonctions du vivant (travail).

* pour le vocabulaire de Thom dans ces pages voir par exemple les 4 causes d'Aristote.

** blastula physiologique désigne chez Thom un schéma des prégnances d'un organisme décrites par les dynamiques locales (dans un espace multidimensionnel incluant le temps). Du point de vue mathématique cette blastula est une stratification d'un espace fibré, chaque fibre étant une dynamique liée à une prégnance. Dans le cas le plus simple on peut associer chaque dynamique locale à un gradient morphogénétique.



3. Pour une hiérarchisation au moyen du concept de phases


J'ai transféré cette partie dans une nouvelle page en construction sur un modèle continu au delà de la cellule

Chaque niveau d'organisation du vivant présenté ci-dessus peut être étudié comme un niveau autonome du point de vue de sa compréhension, mais on peut aussi jeter des ponts entre les niveaux, ce que tente de faire la biologie théorique. La présentation précédente est centrée sur la cellule. Les présentations que l'on trouve dans la plupart des manuels utilisent la biochimie comme facteur d'unité du vivant. Voici une présentation plus "physique" à partir du concept de phase.

La phase d'un système (au sens de la thermodynamique) est définie comme une partie homogène séparée des autres parties du système par une surface (EU, "Transitions de phase"). Mais cette surface est définie non pas dans notre espace de perception (euclidien, à trois dimensions: la longueur, la largueur, la hauteur) mais dans un espace de dimension souvent assez grande ou espace des phases où le système possède un état totalement défini à partir des ses coordonnées. On peut aussi dire que l'espace des phases est l'espace le plus simple qui permette de définir de façon précise l'état d'un système (voir page sur le continu). Cet espace possède comme coordonnées les variables dynamiques indépendantes du système. À tout instant le fait de connaître les coordonnées du système dans l'espace des phases permet de connaître son état (dynamique). Avec le vocabulaire aristotélico-thomien une phase c'est un anhoméomère (1987f9). Un système peut comporter une ou plusieurs phases.


On notera que la notion de phase est aussi utilisable, dans un sens courant, lorsque le système n'est représenté que par un seul paramètre évoluant en fonction de temps. On appréhende ainsi les phases de développement de l'organisme. Il existe un courant de recherche qui s'efforce de comprendre les phases de développement comme des discontinuités, non pas d'un programme génétiquement déterminé, mais comme la conséquence de « remaniements adaptatifs du réseau des régulations, phénomène se manifestant durant une période critique» (voir les travaux de G.N. Amzallag pour les plantes et de R. Chandebois pour les animaux).

L'intérêt de l'utilisation de ce concept est que tout mouvement (quantitatif) ou tout changement (qualitatif) est représenté par une trajectoire dans l'espace des phases. Cependant il convient de préciser que si le mouvement est indéterminé ou chaotique, la trajectoire n'est pas unique, elle devient imprévisible.


(en travaux)
03/2007
Cette partie est TROP difficile pour le professeur de biologie que je suis. Je lance un appel à des biophysiciens et à des biomathématiciens pour continuer à vulgariser les travaux qui sont réalisés dans ce sens; il faut faire des excusrions en dehors de la théorie cellulaire.

Les phases moléculaires

Les phases macromoléculaires ou intracellulaires

Les phases cellulaires, relationnelles ou sociales

Les phases fonctionnelles ou des organes


périodes critiques (de compétence), discontinuités et phases de développement autonome

E.U. article "cristaux liquides" et tous les travaux d'Yves Bouligand; phases mésomorphes, myéliniques, smectiques et nématiques

Dans un autre registre (grand public et peu mathématisé) les travaux de Vincent Fleury vont dans le même sens (voir Des pieds et des mains ; Genèse des formes de la nature, Flammarion, col. Champs, 2003).


Comme encouragement quelques citations de René Thom:

Préface « l'Imposture Darwinienne », 1994(f4)

« Ici se pose le problème des structures intermédiaires, organelles, cytosquelette, membranes... etc. Là on ne pourra progresser qu'en classifiant les milieux qualitativement, un peu comme on classifie les phases en Thermodynamique (mais sans introduire le passage à la limite boltzmannien : le milieu vivant n'est pas infini). Il faudra essayer des techniques d'homogénéisation comme celles qu'on emploie en Mécanique des matériaux. Enfin, il faudrait « topologiser » le métabolisme, réduire sa complexité à un système fini de régimes, d'« attracteurs » qu'on puisse manipuler. C'est là certainement un vaste programme, mais on peut toujours rêver ».

René Thom, inédits 1990(i), Perspectives en Biologie Théorique [Allocution au Séminaire de la S.F.B.T., Solignac, 28-31 mai 1990], p 27




« L'idée centrale est de revenir au concept aristotélicien d' « homéomère ». Un « homéomère » est un milieu qualitativement homogène, qui présente en chacun de ses points les mêmes qualités sensibles. Pour Aristote, par exemple, le sang, la chair, la moelle des os sont des homéomères. L'eau, une substance chimique comme l'or, l'argent sont aussi des homéomères.

Il est possible d'offrir une interprétation mathématique de cette notion en supposant que tout point du milieu admet localement une certaine dynamique locale définie par un potentiel V(x, u) (x, coordonnées internes, inconnues en général, u coordonnées spatiales) ; l'état d'un tel milieu sera défini par une section s qui associe à tout point u, leminimum local s(x) de V(x; u) ; Si l'on considère deux domaines A, B de l'espace séparés par une cloison C, en retirant la cloison et laissant l'équilibre s'établir, on obtiendra une application R : D(A) X D(B) --> D(A U B) qui doit appliquer le couple des sections (s(A), s(B)) sur s(A U B) (renormalisation). Si un minimum s(u) satisfait à la relation (R) :

R(s(uA), s(uB)) = s(u(A U B)) ,

alors on dira, par définition, que le minimum s(x, u) définit une phase locale du milieu qui, elle-même, caractérise l'ensemble des propriétés phénoménales du milieu et est caractérisée par cet ensemble.

Un milieu est qualitativement homogène si cette application peut être indéfiniment réitérée, conduisant à une dynamique ponctuelle définie par un potentiel W(x) dont le type topologique est en général indépendant de u mais peut dépendre de paramètres « intensifs » comme la pression et la température dans l'exemple thermodynamique : soit Y l'espace défini par ces paramètres. Les minima de W, à u fixé, définissent les phases possibles du milieu compatibles avec cette dynamique locale ; il y a saut brutal d'une phase à une autre (d'un minimum à un autre) sur un sous-ensemble K (dit de catastrophe) de cet espace Y. (Dans le cas thermodynamique, l'ensemble K définit le « diagramme de phase » du milieu considéré.)

Dans le formalisme que nous proposons, les différenciations cellulaires doivent être considérées comme des «phases généralisées » ; les espaces Y qui leur sont associés (espaces de genres, dans la terminologie héritéee d'Aristote) sont des espaces à signification biologique, connectée éventuellement au milieu physique (le gradient de la pesanteur, par exemple, a souvent une signification morphogénétique). On aura reconnu dans les considérations précédentes le schéma général de la théorie des catastrophes appliquée à l'Embryologie. »