La phénylcétonurie (PKU, PCU),
ou
l'idiotie phénylpyruvique,


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Sources:
http://www.inrp.fr/Acces/biotic/gpe/dossiers/phenylcetonurie/accueil.htm;
cette riche source fournit des outils pour modéliser des enzymes (PAH) et cofacteurs (BH4) (que peut-on en faire dans une classe de terminale lambda ?) mais n'approfondit pas la liaison génotype-phénotype, notamment le rôle de l'environnement sur les gènes (ce qui est bien la question soulevée par le programme. Le terme de phénotype y est pris aussi bien au niveau clinique (ce qui n'a aucun sens à mon avis, il s'agit de symptômes d'une maladie métabolique, génétique, voir page sur le phénotype) qu'au niveau cellulaire (appelé à tort moléculaire). Les cellules hépatiques qui possèdent tel ou tel allèle du gène de la PAH semblent exprimer toujours (?) les deux allèles, sans que les conditions de cette expression, soient vraiment abordées...
Principes de biochimie, Lehninger, Nelson et Cox, 1994, Médecine-Sciences-Flammarion, p 525s, 714s
, pour tout ce qui concerne le catabolisme des acides aminés et la synthèse des neuroamines.
Pour l'aspect médical:
http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pediatrie/erreurs-metabolisme.htm
http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pediatrie/phenylcetonurie.htm
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Le but de cette page n'est pas une étude médicale ni encore moins scientifique exhaustive de cette maladie, qui sort de mon champ de compétence (professeur de SVT) mais un recadrage des notions au programme (génotype, phénotype, liaison avec l'environnement) avec les données de vulgarisation scientifique facilement accessibles pour cet exemple.


Cet exemple présente un intérêt historique car son étude intervient dans le prolongement de la proposition d'Archibald Garrod en 1909 (voir histoire de la génétique) au sujet de la liaison entre l'alcaptonurie (maladie métabolique sans autre effet que la présence de pigment noirs dans les urines et l'apparition d'arthrites tardives) et le déficit métabolique en une unique enzyme (l'homogentisate 1,2-déshydrogénase) intervenant dans le catabolisme de la tyrosine. Cette hypothèse fut extraordinairement féconde puisque l'on connaît déjà une dizaine de maladies métabolique du catabolisme des acides aminés que l'on a parfois accompagné d'une étude génétique des malades.

En effet la phénylcétonurie, maladie dont le symptôme le plus grave est une encéphalopathie (maladie de l'encéphale, retard mental et parfois moteur), induit aussi une odeur caractéristique des urines expliquée pour la première fois par Fölling comme étant due à la présence d'acide phényl-pyruvique relié au catabolisme de la phénylalanine. La présence de phénylalanine en excès dans le sang (hyperphénylalaninémie) est tout aussi caractéristique que la présence d'acide phénylpyruvique dans les urines (d'où le nom de phénylcétonurie). Dès 1950, Bickel, proposa de soumettre les enfants atteints de cette maladie à un régime dépourvu ou très pauvre en phénylalanine ce qui permettait d'éviter l'encéphalopathie.

Des symptômes, des malades, une maladie

Pour l'aspect médical, voir les sites ci-dessus. Tous les malades ne présentent pas des symptômes identiques et pour un symptôme identique, les causes identifiées peuvent parfois être différentes chez deux malades. L'important est de comprendre que le taux anormalement élevé de phénylalanine dans le sang (hyperphénylalaninémie) est dangereux essentiellement lors du développement des cellules nerveuses, c'est-à-dire chez le jeune enfant (avant 10 ans) et chez l'embryon et le fœtus étant donné que l'acide aminé, de petite taille passe la barrière placentaire et va du sang de la mère à celui de l'enfant et vis-versa.

Une maladie métabolique

On distingue maintenant au moins trois types de déficits métaboliques chez les malades:
- soit une déficience de l'enzyme phénylalanine hydroxylase (PAH), plus ou moins poussée (depuis une activité nulle,forme classique P.C.U.,à une activité à 3 % pour la forme atypique ou "méditerranéenne", en passant par une activité de 3 à 6 %, pour la forme modérée),
- soit une déficience du cofacteur intervenant conjointement avec cette enzyme: la tétrahydrobioptérine (BH4),
- soit encore une déficience de l'enzyme qui restaure ce cofacteur : la dihydrobioptérine réductase (connue aussi pour le métabolisme de la dopamine et de la sérotonine, autres neurotransmetteurs, ce qui explique des déficiences nerveuses plus étendues dans ce cas). Le problème étant que le métabolisme est fondamentalement intégré, et donc forme un réseau interconnecté de réactions chimiques, ces enzymes et cofacteurs interviennent dans des réactions différentes selon les cellules et selon les organismes, ce qui conduit à des conséquences complexes à identifier. Ce ne peut donc être le but de l'étude de cet exemple en classe de terminale.

Une étude génétique des malades et de leur famille

De très nombreux allèles ont été séquencés pour la PAH et la BH4 (voir site de l'inrp). Chaque forme plus ou moins efficace d'une enzyme ou du cofacteur correspond à un allèle dont on connaît la séquence. Le phénotype (forme d'un allèle dans une cellule) associé à un génotype (ensemble des allèles d'un gène dans une cellule) donné n'est par contre pas évident à présenter.
Du point de vue THÉORIQUE:
* chaque cellule hépatique ou nerveuse, diploïde, possède deux allèles de la PAH (un venant de la cellule sexuelle paternelle, l'autre de la cellule sexuelle maternelle)
* les deux allèles sont exprimés avec la même intensité dans chaque cellule; ce qui fait que si une cellule est homozygote pour le gène de la PAH avec l'allèle correspondant à la forme la plus efficace et courante de l'enzyme (forme saine notée par exemple PAH+), elle produira une quantité Q d'enzyme PAH saine par unité de temps. Dans les mêmes conditions métaboliques, une cellule hépatique hétérozygote pour ce gène avec par exemple un allèle sain (PAH+) et un allèle correspondant à la forme enzymatique présentant une activité enzymatique nulle (notée PAH0 par exemple), produira donc une quantité d'enzyme PAH égale à Q/2.
Dans la réalité:
Les sources ne mentionnent que peu de cas d'activité enzymatique modulée par l'environnement (différence entre l'expression des gènes dans une cellule hépatique jeune et vieille ou entre une cellule hépatique et une cellule nerveuse...) ou, plus probable encore, une différence d'activité de transcription (ADN-->ARNm) des gènes de la PAH modulée en fonction de l'allèle et surtout de l'activité des enzymes produites (rétrocontrôle sur les gènes). Mais, plus gênant encore, ces sources mélangent le tableau clinique (les symptômes) et les phénotypes cellulaires (qui ne sont pas décrits).
Le site de l'INRP (http://www.inrp.fr/Acces/biotic/gpe/dossiers/phenylcetonurie/html/modulateurs.htm) propose le cas de deux frères présentant une concentration en phénylalanine du sang supérieure à 25 mg.dL-1 (le taux courant est inférieur à 4 mg/dL-1 et l'acide phénylpyruvique n'est retrouvé dans les urines qu'à partir de 15 à 20 mg/dL-1 ). Le premier, âgé de 10 ans, avait un développement neurologique normal, alors que le second, âgé de 6 ans, présentait un retard mental sévère. L'analyse génétique pratiquée a révélé que tous les deux avaient le même génotype (homozygote ?), avec (pour chaque allèle ?) les mutations Ser349Pro et une délétion d'un nucléotide en position 55 entraînant un codant stop anticipé et donc une PAH très peu efficace et une hyperphénylalaninémie très forte.
Cette différence clinique peut avoir plusieurs interprétations dans le cadre de notre vision ouverte qui se réfère aux trois niveaux d'information du vivant (génétique, cytoplasmique et extracellulaire ou environnemental):
- une cause strictement génétique (on peut penser par exemple à l'existence de gènes modulateurs intervenant directement sur le gène de la PAH dans les cellules où ce gène est déficient);
- une cause cytoplasmique au niveau des cellules dont le gène de la PAH est déficient qui puisse compenser, métaboliquement par exemple l'absence de catabolisme de la phénylalanine (voie alternative, transport des métabolites...); chaque cellule modulant son phénotype à partir de son génotype; c'est ce que l'on appelle la norme de réaction (d'un génotype) qui est la somme des phénotypes possibles pour une cellule donnée d'un certain génotype en fonction des environnements dans lesquels elle se trouve.
- une cause extracellulaire (environnementale) physiologique qui se situe en dehors des cellules où le gène de la PAH est déficient. Bien évidemment, ce sont encore des cellules qui agissent même si on considère les mécanismes à un niveau d'intégration (hormonal, nerveux...) qui ne se réduit pas à un aspect moléculaire; cette hypothèse est aussi proposée par les auteurs du site de l'INRP qui font état de recherches concernant des canaux spécifiques qui font entrer les acides aminés (comme la phénylalanine) dans les cellules nerveuses: on imagine aisément que si ces canaux sont moins actifs dans certaines lignées cellulaires, ils peuvent permettre de compenser les effets dangereux d'une hyperphénylalaninémie.
Ces trois niveaux, théoriques, sont bien évidemment difficiles à délimiter. Ce qui est rassurant car il ne s'agit pas de les opposer. En effet, ce ne sont que des outils qui permettent de cerner une question.

Remarque:
les auteurs du site de l'INRP, comme de nombreux auteurs de manuels scolaires, présentent les régimes alimentaires suivis par certains malades comme des facteurs environnementaux susceptibles de modifier l'expression des génotypes des cellules hépatiques de ces personnes. Cette vision est surprenante car il ne s'agit pas d'un contrôle de l'environnement (l'individu étant considéré comme une société de cellules en évolution) mais d'un comportement qui relève à mon sens de la médecine (art de soigner). Certes, le comportement de l'homme est un élément de sa biologie, mais je pense, encore une fois, qu'il est vraiment néfaste de vouloir utiliser sans précautions le terme de phénotype au-delà de la cellule.

Une maladie héréditaire

Du point de vue héréditaire, si l'on associe de façon absolue la maladie à la présence de deux allèles délétères de la PAH dans les cellules hépatiques par exemple, on a donc un seul gène (maladie dite monogénétique) qui, selon les lois de la génétique mendélienne et morganienne (voir cours de spécialité de terminale ou l'histoire de la génétique) se transmet avec un chromosome (le chromosome 12, un autosome, c'est-à-dire un chromosome non sexuel). Étant donné qu'une cellule qui ne possède qu'un allèle morbide (PAH déficiente par exemple) présente une activité presque normale de la PAH, on dit que l'allèle morbide est donc récessif par rapport à l'allèle sain, qui est dit dominant. Étant donné la variation quasi continue entre une activité nulle de la PAH et une activité maximale, selon le polymorphisme allèlique (nombreuses mutations conduisant à de nombreux allèles, voir le site de l'INRP: http://www.inrp.fr/Acces/biotic/gpe/dossiers/phenylcetonurie/html/mutations.htm), cette distinction est tout à fait simpliste. Une chose est sûre, c'est qu'un enfant hérite bien des allèles maternels et paternels, sauf anomalie et donc que son génotype est bien fixé par l'hérédité mendélienne. Mais ce qui est moins déterminé, c'est l'utilisation que ces cellules vont faire de ce génotype, et donc quel sera son phénotype et partant, si il sera malade ou non. Le génotype est bien une donnée mais il n'y a pas de causalité directe entre le phénotype et le génotype. Avec les mots d'un embryologiste: «Dans tous les cas, l'organisme hérite de l'aptitude à répondre aux signaux de l'environnement, mais il n'y a pas de prédiction du phénotype par le génotype.» (Biologie du développement, Scott F. Gilbert, De Boeck Université, 1996, p 74).
Donc, cette vision simpliste issue de l'analyse héréditaire classique doit faire place à une nouvelle hérédité basée sur l'analyse des allèles et des phénotypes cellulaires, au sein de organes appartenant à des individus d'une même fratrie. Analyse qui pourrait révéler encore bien des surprises sur les "lois de l'hérédité", non pas génétique mais cellulaire.

 
Ces quelques précisions afin de montrer le sens du vocabulaire employé dans cette page: les niveaux génétique, cytoplasmique et environnemental sont définis EN RÉFÉRENCE À UNE CELLULE DONT ON ÉTUDIE LE GÉNOTYPE. Sinon, on a vite fait de tout réduire à un contrôle génétique.
Tout ce qui n'intervient pas directement au niveau des gènes d'une cellule dont le gène de la PAH est exprimé peut être qualifié d'environnemental (au sens le plus souvent employé dans les manuels scolaires) même si la synthèse de substances qui seraient impliquées dans ce contrôle nécessite l'expression d'une autre information génétique (de cette cellule ou d'une autre cellule). De la même manière il est judicieux de parler du phénotype d'un allèle mais fort imprécis de parler du phénotype d'une cellule car on ne sait pas, sauf expérience particulière, et pour des conditions de culture (in vitro) ou d'environnement (in vivo) bien spécifiques, ce qu'il résultera des informations génétiques, cytoplasmiques et environnementales. Supposer par exemple que la cellule synthétise autant de PAH0 que de PAH6 et que le catabolisme qui en résulte soit moitié moindre que si cette cellule avait deux allèles aPAH6, est une vue théorique. Parler de phénotype d'un individu est encore plus mal venu.

 Pour situer les réactions métaboliques, voici un aperçu (d'après Principes de biochimie, 1994)

La phénylalanine (Phe) et la tyrosine (Tyr) sont deux acides aminés nécessaires à l'organisme. Comme la tyrosine, chez l'homme, est habituellement synthétisée à partir de la phénylalanine, seule la phénlylalanine est considérée comme un aa indispensable, c'est-à-dire que l'homme doit se procurer dans son alimentation. Les régimes pauvres en Phe suivis par certains malades contiennent cependant suffisamment de Phe pour assurer les besoins de synthèse de la Tyr si la PAH n'est pas déficiente. Sinon il faut ajouter de la Tyr aux régimes.