Histoire et évolution de la terre et des êtres vivants
suite et fin (provisoire)


retour plan cours / partie I : génétique / partie II : immunité / partie III : physiologie / partie IV : évolution
programme commenté de cette partie

première page

page précédente

plan de cette page

  • 6. La lignée humaine
    •  a. Une paléoanthropologie
      • a1. L'homme vivant
      • a2. Les méthodes de la paléontologie humaine
    •  b. L'homme fossile
      • b1. l'outil
        • b.1.1. Les premières industries lithiques (-2,5 millions d'années à -150.000 ans)
        • b.1.2 Les industries plus évoluées (à partir de -150.000 ans)
      • b.2. le squelette
        • b.2.1 Les Australopithecus et les Paranthropus
        • b.2.2 Les Homo
        • b.2.3 Caractères généraux : de la bipédie (pieds, bassin, position du trou occipital) au langage (pharynx, mâchoires) en passant par l'alimentation (dents) et le psychisme (capacité crânienne et moulage endocrâniens)
      • b.3. éléments culturels : l'habitat (de l'abri à la ville), les sépultures (des fosses aux mégalithes), l'art (des premiers éléments décoratifs (frises...) aux parures, sculptures et aux peintures rupestres)
    • c. Vers une reconstitution de l'histoire de l'homme
(pour la bibliographie voir page précédente)

6. la lignée humaine

a. Une paléoanthropologie

Dans cette partie on cumule deux difficultés (c'est pour cela que je conseille aux élèves d'apprendre plutôt l'évolution des équoïdés comme exemple d'évolution animale plutôt que celle des hominoïdés):
- les difficultés propres à la paléontologie liées à sa dimension historique et non expérimentale
- les difficultés propres à l'étude de l'homme : « Le primat de l'anthropologie n'est pas une forme d'anthropomorphisme, mais une condition de l'anthropogénèse » selon les propos de G. Canguilhem (L'expérimentation animale). On ne peut pas parler de l'homme sans définir l'homme. Dire que l'homme n'est qu'un animal évolué c'est déjà définir l'homme et donc faire de l'anthropologie. Essayer de retrouver l'histoire de l'homme et plus encore sa préhistoire nécessite de poser avant tout la question de la définition de l'homme.
Existe-t-il une définition de l'homme qui soit paléontologique et qui n'englobe pas de définition philosophique ? Je ne le crois pas. Toute paléontologie humaine est une anthropologie. La paléontologie humaine est une paléo-anthropologie. On ne peut probablement pas séparer les "faits" paléontologiques qui sont les fossiles (et leur datation expérimentale) d'avec leur interprétation ; et pourtant c'est ce que nous allons essayer de faire au moins dans un premier temps parceque, sinon, la paléontologie n'est pas accessible à l'enseignement et reste le domaine de spécialistes, seuls capables d'interpréter les fossiles.

Comme je manque singulièrement de compétence (je ne suis pas anthropologue) pour interpréter les données des paléontologistes qui sont souvent déjà fort interprétées, je ne peux guère faire autre-chose que de la compilation. Par contre, et c'est le privilège de tout homme, je peux me permettre de critiquer la philosophie de tel ou tel auteur. Même si mes jugements ne sont ni définitifs ni encore moins une référence, c'est mon devoir de pédagogue que de proposer des arguments de discussion. Voici mes sources : L'environnement au temps de la préhistoire, Josette Renault-Miskovsky, Masson, 1991 ; Le livre de la vie, collectif sous la direction de Stephen Jay Gould, chapitre 6 : l'évolution humaine, Peter Andrews et Christopher Stringer, Seuil, Science ouverte, 1993 ; Le singe, l'Afrique et l'homme, Yves Coppens, Fayard, le temps des sciences, 1983 ; Les premiers habitants de l'Europe, collectif, Laboratoire de Préhistoire du Musée de l'Homme, Muséum d'Histoire Naturelle, 1981 ; L'évolution biologique humaine, Jean Chaline, P.U.F., Que sais-je ?, 1982 ; L'évolution du vivant, Pierre-Paul Grassé, 1978, Ed. Albin Michel, Paris ; L'évolution humaine, Roger Lewin, Seuil, Sciences, 1991 ; Nouveau regard sur l'origine de l'homme, Anne Dambricourt-Malassé, La Recherche, 286, avril 1996, 45-51 ; Origine et destinée de l'homme, Jean Piveteau, Masson, Abrégés, 1983 ;Précis de Zoologie : Vertébrés, tome 3 : Reproduction, biologie, évolution et systématique ; Oiseaux et Mammifères, Pierre-Paul Grassé, Masson, 1977 ; Les origines de l'humanité, Dossier Pour La Science, Hors-Série, janvier 1999.

a1. L'homme vivant

Une définition de l'homme, due à Linné, 1758 : animal rationale, loquens, erectum, bimanum. Elle ne cerne bien sûr pas l'"animal". A ce sujet, quelques remarques ont été proposés avec les élèves des classes de seconde : l'homme et le kangourou (ces remarques me paraissent de plus en plus dérisoires et je serai très intéressé par des discussions avec des collègues qui ont réussi à trouver d'autres formulations pédagogiques).

Le classement de l'homme parmi les Primates est aussi assez discuté. Voici une classification assez ancienne issue de Grassé (Précis de Zoologie, Masson, 1977):

ordre
sous-ordres
infra-ordres
super-familles
familles
quelques genres

Primates

Tarsiens

Lémuriens

Simiens

Platyrhiniens
(singes du Nouveau Monde)

membres antérieurs très longs, arboricoles, narines écartées et orientées vers l'extérieur

Cebus (dont le singe capucin), Alouatta (singe hurleur), Ateles (singe-araignée), Saimiri, Callithrix (ouistiti)....

Catarhiniens

(singes de l'Ancien Monde)

arboricoles, narines rapprochées et tournées vers le bas, queue non préhensile

Cynomorphes

Cercopithécidés

Macaca, Papio (Babouin), Cercopithecus, Colobus (Colobe, singe à fourrure)

Anthropomorphes

"grands singes"

queue absente, membres antérieurs plus longs que les membres postérieurs

Hylobatidés (Gibbons)

Hylobates (gibbons vrais)

Pongidés

Pongo (Orang-outan), Pan (Chimpanzé), Gorilla

Hominiens

homme

Les avis des anthropologues différent : P-P. Grassé affirmait : « La race ne peut être considérée que d'un point de vue biologique ; ni les frontières d'une nation, ni de langue, ni la religion n'entrent en ligne de compte. » (Précis de Zoologie, Masson, 1977, t.3, p. 309). A l'inverse, de nombreux scientifiques se basant, bizarrement à mon sens, sur des ressemblances génétiques, refusent à la notion de race tout fondement biologique (voir à ce sujet le chapitre de bioéthique : la dignité de la personne humaine n'est pas fondée par la biologie). De même, on qualifie un peu vite de racistes (au sens péjoratif courant) tous les propos visant à distinguer des groupes de populations sur toutes sortes de critères, culturels ou biologiques. Du point de vue culturel, la notion de race persiste, souvent remplacée par nos élèves en ethnie, et tribu (toi, quelle est ta tribu ?). Faut-il parler de lignée ? Une fois encore le biologiste est bien mal armé sans une anthropologie.
Ma position est claire : l'homme se distingue par sa nature (ontologique), fondamentalement différente de l'animal car elle la transcende. Du point de vue paléontologique, tout comme on peut trouver des traces de vie, qui appartiennent à l'histoire, on trouve des traces d'homme. On est dans le domaine de la paléo-anthropologie et non dans le domaine d'une science expérimentale. La diversité des opinions relève de la libre recherche de la vérité même si toutes les opinions ne se valent pas.

Du point de vue biologique voici quelques points qui distinguent l'homme des autres primates :
* l'allongement de la période fœtale et de la croissance postfœtale. Cette caractéristique embryologique est considérée comme responsable biologiquement de la structure familiale si forte et lieu de l'éducation qui permet en quelque sorte à chaque homme nouveau-né de commencer la où l'humanité s'était arrêtée avant sa naissance (mémoire universelle).
* la capacité à conquérir la terre et même son système planétaire
* la capacité à créer un outil qui prolonge ses facultés naturelles (outil manuel mais aussi intellectuel ... comme le livre, imprimé ou numérique est une forme de mémoire de l'humanité...)
* la capacité à tisser des liens entre tous les hommes, qui se considèrent ainsi comme une partie d'une seule entité, l'humanité
* les capacités psychiques connues sous le nom de raison, pensée et de volonté, mais encore d'amour...

D'après Jean Piveteau (article "hominisation de l'E.U.) « L'hominisation, c'est-à-dire l'introduction dans l'histoire de la vie du phénomène humain, n'est point l'apparition d'une espèce nouvelle, mais celle d'une forme nouvelle de la vie. L'enveloppe humaine de la biosphère est du même ordre de grandeur que la biosphère elle-même. L'humanité n'est pas une partie de la vie, mais l'équivalent, l'homologue de la vie. (...) Événement d'une portée considérable qui ne peut être comparé qu'à celui de l'apparition de la vie sur le globe. Vitalisation de la matière il y a plus de trois milliards d'années, l'hominisation de la vie il y a sans doute plus de deux millions d'années, tels sont les deux événements qui dominent l'histoire du Cosmos. »

a2. Les méthodes de la paléontologie humaine

L'ancienne fiche disponible pour les élèves du Maine et Loire qui auraient accès au Muséum d'Angers est placée en archives.

A priori on peut dire que ses méthodes sont les mêmes que pour toute paléontologie cependant:
- les restes d'hominidés sont dans des couches superficielles car TRÈS RÉCENTES et donc à la fois accessibles, parfois assez bien conservées, et très souvent détruites par l'activité dévorante de l'homme.
- les hommes fossiles ne forment pas un groupe très important d'individus et les fossiles humains sont TRÈS RARES.

Sur le terrain les sites, souvent découverts depuis forts longtemps et fouillés par des amateurs (parfois très éclairés), sont délimités. La fouille est entrecoupée de relevés précis qui permettent des reconstitutions savantes en détruisant le minimum d'indices. Le but n'étant pas de mettre à jour une pièce rarissime (donc chère) mais de récupérer le maximum de données scientifiques exploitables pour se faire une idée la plus exacte possible du paléoenvironnement et des habitants.
En laboratoire, on finit de dégager des pièces particulièrement fragiles qu'il a fallu extraire du terrain de fouille avec leur gangue, on étudie précisément les pièces, leur disposition (grâces aux relevés), on les compare avec les données bibilographiques. On peut aussi dater les couches sédimentaires ou les fossiles par des méthodes de datation expérimentale (dite absolue) par exemple avec les isotopes du carbone (la période de décroissance radioactive par radioactivité «béta moins» du carbone 14 en azote 14 est de 5568 années, ce qui en fait un outil adapté à datation d'objets d'âge maximal de 40.000 ans).
Je signale l'intéressant article sur l'ADN fossile humain qui soulève le problème des contaminations et de la difficultés des échantillonnages sûrs (Les surprises de l'ADN ancien, Eric Ceubézy, Christine Keyser et Bertrand Ludes, La Recherche, 353, mai 2005, 44-47).

b. l'homme fossile

Voici quelques critères d'inégale valeur et dont la liste n'est pas exhaustive mais qu'il faut bien considérer lorsque l'on cherche à qualifier un fossile de reste "humain".

b1. l'outil

(je n'ai pas lu le livre de Leroi-Gourhan, sur "la main" mais je sais que cela me manque...) :
L'homme est toujours présent dans la définition actuelle de l'outil que ce soit avec:

un projet situé dans la pensée :
un outil est un objet intentionnellement travaillé,

ou dans la main :
un outil est un objet façonné en vue d'un usage particulier,

ou encore dans les deux :
un outil est un objet fabriqué qui sert à faire un travail.

Mais le terme d'outil est aussi utilisé par de nombreux biologistes pour décrire des éléments naturels utilisés par les animaux et souvent modifiés par eux pour être utilisés dans un but particulier (pierres, bâtons, feuilles, brindilles...). La fin (fonction) est clairement démontrée ainsi que le soin pris à leur réalisation. La transmission de la technique semble se faire sans apprentissage dans de nombreux cas mais les interprétations sont très discutées.
Lorsqu'on possède un objet ancien que l'on désire qualifier d'outil, le travail consiste à déduire l'usage et surtout les caractéristiques de l'utilisateur à partir des observations morphologiques (symétrie, nombre de coups nécessaires à sa fabrication, usure pouvant supposer une utilisation, finition...) et environnementales (lieu de découverte, associations avec d'autres objets, traces de débitage...). Il est cependant clair que l'on est toujours dans le domaine de l'histoire et non de la science expérimentale, même si la conviction peut être encore plus forte que dans le cas d'une hypothèse scientifique expérimentale démontrée. Une aide non négligeable est apportée dans les interprétations par les reconstitutions des techniques de taille et l'utilisation de moyens sophistiqués d'étude des outils comme par exemple la microscopie électronique à balayage qui permet de classer morphologiquement les types de cassures observés sur un outil en pierre ou en os et de déterminer avec une certitude (historique) leur origine (naturelle ou artificielle)...

On classe les outils fossiles par industries qui sont des groupes morphologiques rapportés à des techniques et secondairement à des lieux. On distingue essentiellement

b.1.1. Les premières industries lithiques (-2,5 millions d'années à -150.000 ans)

Une remarque importante concernant la représentatitivité des ensembles lithiques : il n'est bien sur rien de moins certain que ces outils lithiques n'aient pas été associés à des hampes et manches en bois qui n'auraient pas été conservés. On connaît des traces indiscutables (dans le sens historique) de travail du bois sur des éclats issus de sites kenyans datées de -1,5 millions d'années.
Bien évidemment les noms d'outils sont des interprétations, la terminologie (légende de la figure ci-dessous) étant empruntée essentiellement au travail de Mary Leakey.`


Ces documents (in Lewin très modifiés) permettent de souligner : la variété des outils de l'industrie oldowayenne (de haut en bas et de gauche à droite : marteau, tranchoir unifacial, tranchoir bifacial, polyèdre, éclat sur noyau, discoïde bifacial, tranchoir sur éclat, six éclats) et de l'industrie acheuléenne (biface ovoïde, biface pointu, couperet, pic, sphéroïde, grattoir sur éclat, éclats issus du façonnement d'un biface), l'écrasante majorité en nombre des éclats par rapport aux autres outils (visible sur le plan de site).

Les caractéristiques principales des ces industries sont :
* la continuité dans le temps : les industries oldowayennes sont connues en Afrique depuis -2,5 millions d'années jusque vers -200.000 ans en Extrême-Orient; les industries acheuléennes sont connues en Afrique et en Europe depuis -1,5 millions d'années jusque vers -150.000 ans.
* la stabilité des formes et des styles.

 

Le feu ne laisse que peu de traces étant donné la mauvaise conservation des cendres (éparpillées) et bois carbonisés (dégradation assez rapide). Les premiers foyers incontestables semblent pouvoir être datés de la fin du paléolithique inférieur ( par exemple le Lazaret -200.000 ans ?). Les techniques de datation sont rapidement expliquées dans le court article de Ramiro Javier March et Jean-Laurent Monnier (Pour La Science, Hors-série, janvier 1999, p 89). Ils font remonter l'utilisation du feu à environ 450.000 ans au plus tôt comme à Menez-Drégan (Plouhinec, Finistère), la généralisation n'intervenant que vers 200.000 ans.

Remarque :
Un article récent (Les galets, outils du Paléolithique, Sophie A. De Baune, Pour la Science,260, juin 1999, 52-57) montre que si l'on s'est intéressé quasi exclusivement aux outils taillés, les outils "naturels" ou façonnés par des techniques comme le piquetage, le martelage, le raclage et plus rarement le polissage, et qu'elle nomme galets, peuvent tout aussi bien être considérés comme de vrais outils dont les usages peuvent être reconstitués.

b.1.2 Les industries plus évoluées (à partir de -150.000 ans)

On peut dater les changements importants dans les types d'industries aux alentours de -250.000 à -150.000 ans : à la continuité et à la stabilité succède la diversité des styles et la brièveté dans le temps: chaque nouveau style succède à un autre en le remplaçant. On a donc une évolution rapide par succession d'industries. Les noms sont trop nombreux pour être étudiés en classe de terminale, même si les terme d'industrie moustérienne (de Moustier en France) ou de technique Levallois (du site français du même nom) peuvent caractériser la période du Paléolithique moyen (entre -200.000 ans et -40.000 ans) alors que les lames solutréennes (site de Solutré en France) sont caractéristiques du Paléolithique supérieur (de -40.000 ans jusqu'à -16.000 ans) alors que l'on attribue surtout aux magdaléniens (site de La madeleine en France) les représentations artistiques alors qu'ils possédaient aussi une industrie lithique très riche de plus de 100 outils distincts. On peut affirmer que pour cette période, chaque millier d'années apporte des enrichissements non négligeables à la panoplie d'outils lithiques.

Ces images (in Lewin, modifiées) permettent d'illustrer la variété des styles des industries du Paléolithique moyen et supérieur.

Le deuxième point essentiel est que l'on a pour ces périodes plus récentes des restes d'éléments en bois et en os. Par exemple les premières aiguilles à chas sont rapportées aux solutréens entre -20.000 et -16.000 ans. Les outils percés en os apparaissent dès le paléolithique moyen (par exemple sur le site de Roc-en-Pail dans les vitrines du Muséum d'histoire naturelle d'Angers, vous pouvez observer un os percé partiellement, associé à une industrie de type moustérien, pour les niveaux inférieurs du site). Les outils sculptés, en os principalement, sont présents dès le paléolithique moyen mais l'art ne se développe vraiment qu'avec les magdaléniens qui succédèrent aux solutréens vers -16.000 ans.
On peut se reporter à l'article de Heidi Knecht : Les armes de l'homme de Cro-Magnon (Pour La Science, Hors-série, janvier 1999, p 120-124) pour une description des techniques de reconstitution d'armes anciennes afin de préciser les interprétations.

Pour les périodes plus récentes, on a l'habitude en France de distinguer :
* le Mésolithique (entre -8.000 et -5.000 ans) mais on connaît des meules et des broyeurs retrouvés à Shanidar (Irak) et datés de -10.500 ans.
* puis le Néolithique (entre -5.000 et -2.000 ans). Là encore les datations divergent et certains le font remonter à -8.000 ans. La forte proportion d'outils en pierre polie au Néolithique a fait nommer cette période l'"âge de la pierre polie". Les divisions des la dernière dizaine de milliers d'années avant Jésus-Christ ne se justifient pas pour certains auteurs. Il est vrai que la richesse des découvertes préhistoriques dans la vieille Europe relativement au reste du monde fait que de nombreuses subdivisions temporelles et culturelles ont été proposées qui n'ont certainement pas une valeur mondiale (actuellement, tout le monde s'accorde pour une origine africaine de la lignée humaine , puis sa migration en Europe vers -100.000 ans, , en Asie vers -60.000 ans, puis en Europe de l'ouest vers -40.000 ans, et une conquête des continents nord puis sud américain en passant par le détroit de Behring, au plus tôt vers -35.000 ans (et plus probablement vers -15.000 ans).
C'est pendant le néolithique qu'apparaissent les premières villes dès -8.000 ans. La tour de Jéricho (Israël) est datée de -7.500 ans avait un diamètre de 9 m pour une hauteur de 8,5 m et elle complétait un rempart de pierre de 5 mètres de haut et de 1,7 m d'épaisseur. La plus ancienne ville semble être Çatal-Hüyük à l'est de la Turquie où l'on relève 12 niveaux d'occupation de -6.500 à -5.600 ans. La ville comptait 6.000 habitants. On circulait de terrasse en terrasse et on accédait aux maisons rectangulaires, en brique crue, par une échelle en bois. On note une quarantaine de "sanctuaires" décorés. On y cultivait le blé et l'orge et on récoltait le colza, les pistaches et les amandes. On y élevait des moutons et le chien était domestiqué.
Les traces les plus anciennes d'agriculture datent d'avant -7.000 ans dans ce que l'on appelle le croissant fertile :


L'apparition et le développement de l'agriculture au néolithique

Les premiers mégalithes (dolmens, menhirs) datent d'environ -6.000 ans en Europe.
Le premier métal travaillé semble avoir été le cuivre dès -8.000 à -7.000 ans au Proche-Orient. Les premiers fours trouvés en Roumanie et au Proche-Orient semblaient pouvoir atteindre 1000°C et sont datés de -6.000 ans. Des pièces artisanales de cuivre très diversifiées sont trouvés des -5.000 ans en Perse, en Palestine, en Turquie et en Europe.
Le bronze (10 à 15% d'étain en plus du cuivre) semble apparaître vers -5.000 ans et permettre la fabrication d'armes de guerre comme l'épée, du fait de sa dureté et de son aptitude à être moulé.
Le fer apparaît vers -2.200 à -2.000 ans (âge du fer) selon certains auteurs alors que classiquement on attribuait son travail aux Hittites, au centre de la Turquie, pas avant -1000 ans.
Certains parlent pour cette période de la fin du néolithique de Protohistoire.
L'apparition de l'écriture (ou plutôt des écritures) marque la fin de la préhistoire et le début de l'histoire (au sens de la période historique et non au sens où nous l'entendons en géologie de "science du passé"). Elle remonterait à environ -3.300 ans pour l'écriture cunéiforme: (système proto-sumérien (Uruk) et système proto-élamite (né à Suse). Les hiéroglyphes égyptiens les plus anciens dateraient de -3.200 ans, date de l'unification des royaumes du nord et du sud par Namer et du début des 30 dynasties égyptiennes. Le plus ancien alphabet connu est celui du Sinaï qui date de -1500 ans environ, suivi de l'alphabet cunéiforme consonantique sémitique de Ugarit vers -1400 puis de l'alphabet linéaire phénicien vers -1100 ans. L'alphabet grec avec voyelles date de -800 ans avant Jésus-Christ. Il reste des écritures non déchiffrées comme celle de la civilisation de l'Indus datée de -2.300 ans.

b.2. le squelette

Comme pour tous les fossiles, chaque pièce osseuse fossilisée a été rattachée à un genre et à une espèce. Bien évidemment les interprétations divergent d'autant plus que certaines découvertes sont limitées par exemple à une dent, ou à une demie-mâchoire ou à un fragment de crâne... les découvertes de squelettes complets et en place sont évidemment rarissimes.

Pour ce programme de terminale il est évident que nous ne pourrons avoir qu'un aperçu très sommaire des théses paléontologiques en présence, nous nous limiterons donc à des exemples qui ne sont peut-être pas les plus significatifs mais qui sont ceux qui sont repris par les manuels d'enseignement français. Dans la lignée des hominidés nous nous limiterons aux trois genres habituellement décrits Australopithecus, Paranthropus et Homo. L'année 2001 deux nouveaux genres ont été créés: Orrorin (qui signifie homme originale en langue Tugen, parlée dans le centre-ouest du Kenya) et Kenyanthropus (l'homme kenyan), sans compter la reconsideration du genre Ardipithecus qui avait auparavant été classé avec les australopithèques (voir par exemple la brève de La Recherche: Un ancêtre en chasse un autre, p 14, 345, septembre 2001). On pourra lire dans le dossier de La Recherche, 345, septembre 2001, l'article de Ron J. Clark: De nouveaux genres fossiles, p 29-33 et surtout le passionnant article de Claudine Cohen: Nos ancêtres dans les arbres, p 33-37 qui démonte bien des présupposés masqués lors de la construction des arbres généalogiques humains.

Il est clair que, à ce stade du cours, le genre Homo n'est qu'un genre paléontologique, ce n'est pas un homme au sens anthropologique. (J'emploierais ici exclusivement le terme d'homme pour désigner l'homme actuel, sinon je lui donnerai le nom de genre paléontologique et éventuellement celui de son espèce).
Au niveau des espèces du genre Homo, nous nous limiterons aux quatre espèces classiques : habilis, erectus, neandertalensis et sapiens, même si elles sont controversées . Je renvoie par exemple à la théorie d'Anne Dambricourt (paragraphe 3.d5) pour des avancées modernes non conformes au paradigme dominant.

b.2.1 Les Australopithecus et les Paranthropus

Les australopithèques au sens large (australopithécinés) sont exclusivement africains mais si les premiers spécimens ont été trouvés dès 1925 essentiellement en Afrique du Sud puis en Tanzanie, les spécimens les mieux étudiés et répertoriés selon des méthodes très strictes sont ceux du Kenya, enfin les plus nombreux découverts récemment viennent d'Ethiopie, même si des spécimens originaux du Tchad ont fait beaucoup parler d'eux (Australopithecus barelgazahi....).
Deux genres au moins sont actuellement délimités : Australopithecus et Paranthropus. Les crânes des deux genres se distinguent aisément (voir schémas). Les capacités crâniennes varient de façon très importante selon les reconstitutions mais peuvent être encadrées par les valeurs 430 et 600 cm3. La taille des Australopithecus devait être proche du mètre alors que celle des Paranthropus devait atteindre 1,5 m.
Vers les années 1980, les découverte de Laetoli (Tanzanie, gorges d'Olduvai), d' Etiopie (Hadar et Omo...) puis du Kenya (Baringo) dans des couches datées de près de -3 millions d'années, ont été rapportées à un nouveau genre : Australopithecus afarensis dont le squelette assez complet nommé Lucy en est le représentant le plus connu. Cette espèce présente des caractères très nets qui la rapprochent du genre Homo tout en ayant un âge et des caractères indiscutables qui permettent de la classer parmi les australopithécinés.


Quelques crânes typiques (in Chaline, 1982) d'australopithèques graciles


Les australopithèques robustes sont plutôt regroupés actuellement dans le genre Paranthropus (in Chaline, 1982) :
on notera essentiellement la crête osseuse au sommet du crâne de Paranthropus qui n'existe pas chez les Australopithecus.


Le squelette de Lucy (1974, Taïeb et Johanson, Hadar - Ethiopie) pour lequel on a inventé une nouvelle espèce :
Australopithecus afarensis.
Vous noterez le petits nombre de fragments crâniens (peu épais et découverts en surface du gisement), la mandibule (robuste, en V (vois plus bas) et portant plusieurs dents), des éléments des membres supérieurs et inférieurs, quelques vertèbres et des côtes leur correspondant, le sacrum, l'os iliaque gauche, l'humérus droit, le fémur gauche et l'astragale. La première prémolaire (PM1 voir plus bas) ne montre pas de denticule interne sans pour autant être unicuspide comme chez les grands singes. Le sacrum, de par sa morphologie et ses proportions, est étonnamment proche du genre Homo.

b.2.2 Les Homo

La découverte du premier fossile rapporté au genre Homo a été faite par Eugène Dubois à Java en 1891 : une calotte crânienne et une troisième molaire supérieure droite que l'on rapporta au genre Pithécanthrope ou singe-homme, depuis plutôt classé dans l'espèce Homo erectus.
C'est L. Leakey et son équipe qui a proposé en 1964 l'existence d'un Homo qui aurait coexisté avec les australopithèques : l'Homo habilis. Ses caractères seraient la station érigée, la marche bipède, le bras plus court que la jambe, le pouce opposable, la forte capacité crânienne (de 600 à plus de 1600 cm3), une région frontale sans constriction rétro-orbitaire exagérée, une région supra-orbitaire variable avec ou sans torus sus-orbitaire, une face prognathe à orthognathe, mais jamais concave, l'arcade dentaire arrondie, la première prémolaire inférieure bicuspide, les autres dents très variables mais moins larges que chez l'australopithèque. Des spécimens indiscutables furent longs à découvrir (années 1970) mais on distingue maintenant plusieurs formes (et même espèces) du fait des ressemblances de certains spécimens avec les australopithécinés (voir l'arbre phylétique dans la synthèse à la fin du cours).
En Europe, aucun fossile aussi âgé n'a été découvert. Les traces d'industries anciennes datées de plus de 1,8 Ma furent d'abord découvertes à Chilhac dans le Massif Central français en 1974. On en connaît de plus récentes dans toute l'Europe. Les plus anciennes découvertes fossiles d'Europe sont datées de 600.000 à 400.000 ans environ et sont très réduites : fragment de dent de Prezletice (Tchécoslovaquie), canine de Vergranne (Jura), mandibule de Mauer (Allemagne),...Leurs caractéristiques rendent les interprétations très difficiles.
Les Homo sapiens, souvent qualifiés d'hommes modernes, sont parfois encore regroupés dans une seule espèce scindée en deux sous-espèces qui ont coexisté entre 80.000 et 30.000 ans : neanderthalensis, aujourd'hui disparue et sapiens, qui serait l'homme actuel. De nos jours on a tendance à séparer les deux espèces, voir même à proposer des genres différents (Homo neandertalensis et Sapiens sapiens). En Europe les deux espèces sont franchement distinctes et semblent n'avoir que très peu coexisté alors que les différences sont moins nettes en Asie et en Orient. L'homme de Néanderthal (grotte de Feldhoffer près de Dusseldorf) à été découvert en Allemagne dans la vallée de la Néander au début du XIXème siècle, mais c'est souvent le squelette très complet découvert dans la grotte de la Chapelle-aux-Saints en France, en Corrèze, qui sert de référence. L'Homo sapiens est connu en Europe depuis 30.000 ans. Le fossile le plus célèbre est l'homme de Cro-Magnon, découvert en 1868 à l'occasion de travaux de terrassements entrepris pour la construction de la ligne de chemin de fer Agen-Périgueux. Cinq sépultures, quatre adultes et un foetus étaient alors retrouvés dans un niveau aurignacien au lieu-dit Cro-Magnon dans la commune des Eyzies-de-Tayac, devenue la capitale de la préhistoire de Dordogne.
A signaler l'article passionnant de Ofer Bar-Yosef et Bernard Vandermeersch (Les hommes modernes au Moyen-Orient, Pour la Science, Hors-Série, janvier 1999, p 102-108) où les auteurs ont étudié tout un ensemble d'habitations et de techniques associés à des fossiles rattachés à Homo sapiens et datés par des méthodes comme la thermoluminescence et la résonance paramagnétique nucléaire, entre -80.000 et -100.000 ans (la datation isotopique par le carbone 14 ne permet pas de remonter au delà de 40.000 ans). Leur thèse est une origine extérieure des néandertaliens venus d'Europe vers 100.000 ans et une origine des sapiens au Moyen-Orient. Mais les fossiles restent peu nombreux même s'ils sont associés à des sépultures, des traces d'ocres que l'on retrouve sur l'outillage, et aussi de la découverte d'un os hyoïde interprété comme élément essentiel du larynx permettant un language articulé pour un des squelettes trouvé à Kebara (voir plus bas).

 

 


Deux sous-espèces ou deux espèces ou deux genres différents

Homo sapiens neandertalensis

Homo sapiens sapiens

Homo neandertalensis

Homo sapiens

Sapiens sapiens

 

Il existe de nombreux travaux réalisés à partir de spécimens anciens, dont la provenance est connue avec précision et qui ont déjà été étudiés, mais qui sont réinterprétés dans le cadre de théories plus modernes. Une de ces théories qui m'apparaît intéressante et celle proposée par Anne Dambricourt-Malassé (Nouveau regard sur l'origine de l'homme, La Recherche, 286, avril 1996, 45-51). Par l'étude de la dynamique crânio-faciale chez l'embryon et en association avec les résultats des spécialistes de l'orthopédie dento-maxillo-faciale (Marie-Josèphe Deshayes), cette chercheur du Muséum d'Histoire Naturelle propose de retrouver des formes géométriques stables dans le crânes des fossiles, tout comme on est amené à le faire chez l'enfant. En effet de nombreuses anomalies de croissance de la face chez l'enfant peuvent être expliquées par des différences de développement relatif de certaines parties du visage, elles-mêmes modélisées grâce à des outils mathématiques (forme géométrique passant par des points spécifiques du visage). Elle propose ainsi le réexamen des fossiles d'hominidés et leur classement en trois genres: Australopithecus, Homo et Sapiens. Une de ses idées est l'interprétation des différences entre la forme des crânes de ces genres d'hominidés par des vitesses de croissance différentes à des stades embryonnaires particuliers. Voir quelques liens plus récents ci-dessus.

b.2.3 Caractères généraux : de la bipédie (pieds, bassin, position du trou occipital) au language (pharynx, mâchoires) en passant par l'alimentation (dents) et le psychisme (capacité crânienne et moulage endocrâniens)

La bipédie se caractérise par au moins deux éléments incontournables :
* la position de l'articulation du genou "verrouillée en extension" en position debout pour permettre l'alignement des os de la jambe et de la cuisse et soulager ainsi les muscles d'une bonne partie du poids du corps (pour se rendre compte de l'importance du phénomène, il suffit d'essayer de se tenir debout les genoux légèrement pliés... l'effort est vite insupportable). Ce genou comporte des modifications au niveau de l'articulation (cartilages et formes de os), des muscles et des tendons, jusque dans la composante de fibres élastiques qui différent chez l 'homme et le chimpanzé par exemple.
* en position de marche le centre de gravité passe sur la jambe d'appui, ce qui oblige à un déhanchement plus ou moins important en fonction de l'alignement du centre de gravité du corps et de l'angle de la cuisse par rapport au genou. Plus l'angle est réduit, plus le déhanchement est important. Il est quasiment nul chez le chimpanzé mais semble, du moins pour les reconstitutions proposées par Napier, avoir à peu près la même valeur pour certains australopithèques et pour l'homme. Certains auteurs pensent que le déhanchement des australopithèques était quasiment nul. Pour cette caractéristique le développement des muscles de la cuisse (muscles abducteurs glutéaux) est essentiel.
***Mais la bipédie est bien sûr le résultat de très nombreux caractères anatomiques et physiologiques. En voici quelques-uns : position de la tête par rapport à la colonne vertébrale (trou occipital situé plus en avant), incurvation de la partie inférieure de la colonne vertébrale, raccourcissement et élargissement du pelvis, inclinaison du fémur augmentée par rapport à un axe horizontal passant par la hanche, profonds remaniements musculaires, irrigation des membres, essentiellement de la partie supérieure du corps modifiée (voir dans le cours sur la pression artérielle en spécialité les modifications de pression lors de changements de position), remaniement des surfaces articulaires, aplatissement du pied avec position du gros orteil parallèle aux autres doigts.
Certains auteurs, au vu de la complexité et de l'harmonie de telles modifications préfèrent parler de tendance évolutive à la bipédie, dont certains traits peuvent être décelés, à différents moments, chez différents fossiles de la lignée des grands singes.
On peut aussi signaler les empreintes relevées par Mary Leakey en 1980 à Laetoli en Tanzanie qui ont été datées de -3,7 Ma et interprétées comme des pistes de divers animaux fossilisées dans des cendres ; on retrouve ainsi l'éléphant, des bovidés, la hyène, des lagomorphes (lièvre africain), le rhinocéros, la girafe et même une pintade ; mais bien sûr ce sont les traces attribués à un couple de 2 hominidés qui sont les plus remarquables. Elles indiqueraient que la bipédie ait été acquise à cette époque pour les hominidés à qui l'on rapporte les traces de pas : Australopithecus afarensis.


La forme des bassins - os iliaque (in Grassé, 1977) est un élément déterminant pour l'appréciation de la bipédie : l'allongement général et l'aspect robuste ou grêle , la position de l'articulation fémorale et la surface d'insertion des muscles fessiers capables de redresser le tronc par rapport aux membres inférieurs. De même, à droite, l'angle cuisse-axe du genou (in R. Lewin, 1991, modifié) est un élément déterminant pour l'appréciation du déhanchement lors de la marche.

La mâchoire et les dents sont des fossiles de loin les plus fréquents des Mammifères et pour autant des hominidés. Ceci est probablement du à la dureté des dents. La formule dentaire adulte est remarquablement homogène entre les grands singes et l'homme : 32 dents soit 2 incisives, une canine, deux prémolaires et trois molaires (une prémolaire supplémentaire par demie-mâchoire pour les singes du nouveau monde, soit 36 dents au total).


Quelques éléments simplifiés montrant que, si d'une part les dents sont en même nombre chez les hominidés, l'homme et les grands singes et superficiellement très voisines, elles sont d'autre part assez différentes quant à leur forme, leur disposition, leur âge d'apparition... il n'est pas toujours facile, quand on a une mâchoire fossile, de déterminer, en fonction d'un âge supposé, le type de dents, leur numérotation... et leur étude fonctionnelle arrive bien évidemment en dernier lieu.
Vous noterez la mâchoire d'Australopithecus afarensis (Lucy ?), qui présente (flèches bleues) une barre entre les incisives et la canine, comme le chimpanzé. Par contre, comme chez l'homme, la première pré-molaire (PM1) sans présenter de tubercule, comme chez l'homme, n'a pas la caractéristique unicuspide (creux dans lequel vient se loger la canine), comme chez le singe.

Quatre principaux aspects de la dentition peuvent être examinés :

 

Vue basale des crânes d'un Chimpanzé, d'un Paranthrope et d'un Homme actuel (in Grassé, 1977, modifié) permettant d'apprécier deux caractères essentiels observables sur les crânes bien conservés : la forme générale de la mâchoire et la position du trou occipital.


Les coupes au niveau des zones d'attachement des deux demi-mandibules (symphyses mandibulaires) montrent
- en grisé, l'extension des racines des incisives et des canines, nettement plus importantes chez le Gorille que chez Homo sapiens et intermédiaire chez cet Homo erectus
- souligné en rouge la présence du menton chez le seul Homo sapiens. (in Grassé, 1977)

Ces données sont bien sûr très fragmentaires et étudiés superficiellement mais elles ont pour but de montrer que l'étude des fossiles est toujours un travail très délicat, minutieux, et où les conclusions ne sont jamais définitives.

Le language (on pense à la définition de l'homme de Linné : loquens) ne se fossilise pas. Mais le raisonnement simple que l'on peut faire est que si l'on détermine quelles sont les structures (anatomiques) nécessaires à l'articulation d'un language parlé ACTUELLEMENT, on peut considérer que ces structures déterminaient le language parlé par le passé. C'est en quelque-sorte le principe de l'actualisme mais non pas au niveau de la causalité expérimentale mais comportementale, psychologique en quelque sorte. Le premier élément nécessaire à l'acquisition d'un language signifiant est le développement de certaines aires du cerveau. C'est une des justifications des études sur les moulages endocrâniens. Le problème est que la compréhension psychologique de la fonction du language est encore loin d'être complète pour l'homme. Appliquer les théories dans leur état actuel aux hominidés, semble souvent un peu précipité.
Le deuxième point est la position du larynx, en position beaucoup plus basse chez l'homme adulte que chez les singes et les bébés jusqu'à 1,5 à 2 ans (la position de l'adulte du larynx n'est atteinte chez l'enfant que vers 14 ans, ce qui est nettement postérieur à l'usage de la parole !). Les données fossiles sont rares. Les interprétations qui ont été faites tendant à retrouver une position haute du larynx chez les australopithècinés et une position plutôt intermédiaire chez Homo.
(pour des éléments de discussion je vous renvoie à des articles récents par exemple dans le Dossier "Les langues du monde", Pour le Science, Hors-série, octobre 1997)

Les moulages endocrâniens réalisés à partir des reconstitutions sont essentiellement dépendants de l'état de conservation des fossiles. Comme il est extrêmement rare d'avoir un crâne complet, l'estimation des volumes (capacités crâniennes), à partir de sable que l'on coule dans le crâne dont les fragments sont réassemblés et où l'on complète les parties manquantes, et la réalisation de moulages restent toujours très incertaines. D'autre part une estimation est toujours dépendante du sexe, de l'âge, et de variations individuelles, qu'il est bien sûr très difficile de cerner sur des fossiles. Il faut savoir que par exemple pour Homo sapiens neandertalensis, espèce pour laquelle on a de loin le plus de fossiles, on possède guère plus de 14 squelettes complets, 26 crânes complets, 3 calvaria (?), 4 calottes, 136 fragments crâniens ou de la face, 71 mandibules et 31 fragments de mandibules...(année 1991).

b.3. éléments culturels : l'habitat (de l'abri à la ville), les sépultures (des fosses aux mégalithes), l'art (des premiers éléments décoratifs (frises...) aux parures, sculptures et aux peintures rupestres)

Les reconstitutions de la cabane acheuléenne du Lazaret, non loin de la Méditerranée, et d'âge rissien (environ 200.000 ans) apporte la certitude (historique) que ses habitants maîtrisaient, en plus de la taille (industrie acheuléenne), le feu (présence de foyers) et construisaient des abris avec des poteaux de soutènement. Le plan reconstitué laisse supposer une véritable organisation de l'espace rapportée à une structuration sociale du "clan". De nombreux petits coquillages marins ont été interprétés comme issus du varech ramassé sur la côte toute proche et servant à confectionner des litières. Les ossements des pattes de loup semblent aussi être disposés assez systématiquement dans ces zones de litières, ce qui fait supposer qu'elles étaient recouvertes de peaux de loup.
Il est bien certain que le fait que l'essentiel des découvertes d'habitat d'âge paléolithique soit situées dans des cavernes, vient sans doute du fait que ces lieux sont les plus propices à la conservation de structures mobiles et cela ne veut pas dire que les hominiens du paléolithiques vivaient dans ces cavernes, du moins ni en majorité, ni en permanence.

On date habituellement l'apparition de l'art de -35.000 ans. Mais la datation de peintures rupestre est très difficile et son incertitude dépend énormément du climat. C'est peut-être ce qu'il explique, en plus de l'effort de recherche de cet type d'ouvrages, que la majorité des peintures pariétales se trouvent au Sud de la France, en Allemagne et au nord de l'Espagne. Les études stylistiques de l'Abbé Breuil ou de Leroi-Gourhan sortent du cadre de notre étude. Il me paraît par contre très intéressant de souligner combien ces études sont au carrefour des sciences de l'homme (anthropologie (avec une incontournable philosophie), sociologie, histoire des populations et des techniques...) et des sciences expérimentales appliquées à la préhistoire (datations, analyse chimique, analyse palynologique...). Je me sens tout à fait incompétent.


(1) la silhouette du cheval de Vogelherd (Allemagne) : uns statuette de 5 cm ,datée de -30.000 ans environ, en ivoire de mammouth poli (par de fréquentes manipulations ?) - (2) grotte de Pech-Merle (Quercy-France), une main négative et une silhouette animale dont l'analyse des pigments a révélé que les taches qui les composent ont été ajoutées progressivement au cours du temps - (3) une vue moderne strictement décorative issue de la bibliothèque "Africa" de corel.

Les sépultures sont décrites assez tardivement mais si j'ose une remarque naïve : l'homme enterre ses morts pour accélérer leur décomposition. Il est donc probable que l'on ne puisse pas trouver des sépultures issues des touts premiers groupements humains, ou plutôt que les fossiles les plus anciens d'individus enterrant leurs morts ne soient pas ceux des sépultures.
Les sépultures sont classiquement associées aux néandertaliens. Mais il est certain que cette association est trop générale. Il serait plus exact de dire : les sépultures trouvées contiennent des ossements classés dans les sous-espèces neandertalensis et sapiens.

Annexe:
L'étude sommaire des singes fossiles est rendue obligatoire du fait de certains sujets de bac qui reposent sur une comparaison homme-singe. Cette comparaison entre deux espèces actuelles ne peut avoir d'intérêt que pour poser des questions mais certainement pas pour donner des arguments ou conclure sur une filiation comme les manuels scolaires nous en donnent parfois le désastreux exemple. Pour une classification des primates voir tableau ci-dessus.


Quelques grandes lignées chez les catarhiniens fossiles
d'après Lewin (Lévolution humaine, Seuil, 1991, p 168, modifiée)

On notera les grands vides des archives fossiles, qui s'expliquent certainement en partie par la mauvaise fossilisation de ces espèces qui vivaient en milieu forestier.

On pourra aussi mettre en évidence des périodes de diversification alternant avec des périodes de stase.

Cependant les fossiles sont très peu nombreux et les genres mal définis.

Trois grands points ressortent de l'étude des catarhiniens fossiles:
- les fossiles de catarhiniens ont été retrouvés dans des zones différentes (Afrique du Nord, Eurasie et quelques spécimens en Afrique de l'Est) de celles occupées par les catarhiniens actuels (Afrique sub-saharienne et Sud-Est asiatique);
- parmi les catarhiniens actuels, les cercopithécidés (petis singes) sont beaucoup plus abondants et variés (15 genres et 65 espèces) que les grands singes (gibbons et anthropomorphes): 5 genres et une douzaine d'espèces; alors que pour les fossiles on trouve une distribution inverse;
- l'originalité des espèces fossiles qui partagent les caractères de plusieurs espèces actuelles et présentent des originalités anatomiques qui allaient probablement de pair avec des originalités comportementales, bien difficiles à reconstituer.

c. vers une reconstitution de l'histoire de l'homme

Munis des critères présentés dans la partie précédente, quelles sont les associations qui ont été trouvées et comment ,actuellement, voit-on l'origine de l'homme ? Il s'agit maintenant de discuter de la superposition éventuelle de l'Homo, genre paléontologique et de l'homme, animal rationnel.

Pour certains paléoanthropologues la question ne se pose peut-être même pas, ils utilisent les critères retrouvés sur les fossiles de la lignée humaine comme ils les utiliseraient pour un autre animal. Le meilleure outil pour une telle approche est sans doute la méthode cladistique qui compare deux groupes frères sans chercher à construire un arbre et moins encore à trouver une ancêtre commun (voir phylogénies, 4b).


Figures extraites de l'article de Claudine Cohen: Nos ancêtres dans les arbres (La Recherche, 345, septembre 2001, p 35 et 36)
Le cladogramme est du à Tattersall, de la Smithsonian Institution.
L'arbre phylétique est de Daniel Liebermann, de l'université de Whashington et date de 2001.

Rien ne permet à un élève de terminale, pas plus qu'à un enseignant du secondaire, de démêler l'écheveau des idées préconçues, des arguments falsifiés du fait des batailles pour les crédits, voire même des idées sectaires, qui fourmillent dans le domaine de la paléonthropologie. Ce n'est pas avec les documents fournis dans des manuels de terminale que l'on peut approcher l'homme ancestral.

Quelques questions afin de poser le problème: doit-on rechercher l'apparition brutale d'une espèce qui ait toutes les caractéristiques de l'homme ou peut-on imaginer que chacun des traits humains que l'on espère retrouver chez les fossiles puisse apparaître séparément dans des lignées différentes et à des moments différents ?
L'homme est unique mais certaines caractéristiques ne sont-elles pas partagées par d'autres lignées ? Il ne s'agit pas de discuter du monogénisme (origine unique de l'homme) mais de l'apparition des différents caractères. Cette démarche est celle qui prédomine, me semble-t-il, chez les paléontologues ces dernières années. Plutôt que de trouver un caractère unique indissociable de la spécificité humaine, pourquoi ne pas définir un ensemble de caractères qui puisse apparaître dans différentes lignées à des moments différents et dont seul l'homme présente la totalité ?
On a pris ainsi successivement l'outil, puis la bipédie, puis capacité crânienne et plus récemment la morphologie obtenue à partir des moulages endocrâniens, puis le feu, les sépultures et surtout l'art, quand ce ne sont pas les très hypothétiques interprétations concernant le language.
Pourtant, cette vision me semble être une erreur de raisonnement : peut-on imaginer du point de vue anthropologique un homme qui ne soit pas homme mais presque homme. La nature humaine est-elle unique ou présente-elle des degrés ? Pour moi la réponse est claire, soit nous avons un squelette d'homme, qui était comme moi, qui pensait, qui aimait, qui était assoiffé de connaissance...même si on peut imaginer que ses techniques étaient un peu frustes... , soit nous n'avons pas un homme. Pour moi il n'y a pas de superposition de l'homme et du genre paléontologique Homo. On est loin d'avoir trouvé ni une date, ni un critère, ni un lieu. Mais on a des idées. La différence est pour moi ontologique et je ne crois pas que la science historique paléontologique puisse un jour nous fournir autre chose que des hypothèses. Pourquoi imaginer un changement fossilisable, une manifestation extérieure d'une différence métaphysique ? Il est par contre légitime de chercher à reconstituer l'histoire des hominidés et se rapprocher ainsi de plus en plus de l'histoire de l'homme. Je précise bien que ces opinions n'engagent que moi. En tout cas je ne pense pas qu'elles soient moins acceptables que des opinions tout à fait différentes que je respecte.

On en revient donc au point de départ : qu'est-ce que l'homme ? Quels en sont les traits fossilisables ? Le feu, la sépulture et l'art me semblent des points incontournables comme l'agriculture ou la chasse à l'aide d'outils fabriqués, et bien entendu l'écriture, mais les associations entre ces productions - toujours interprétées - et les squelettes sont d'une part très incertaines et d'autre part les datations expérimentales réalisées se font toutes avec une incertitude expérimentale qui est rarement estimée justement ou même précisée (réouverture du système notamment, ce qui grève la méthode d'une incertitude absolue comme nous l'avons vu). Je rappelle aussi que, même pour des temps proches, l'actualisme reste une hypothèse.

Ainsi, à mon sens (selon l'anthropologie qui a ma préférence) on s'oriente actuellement vers une origine de l'homme, associée A LA FOIS : à un squelette d'Homo sapiens (ou de Sapiens, espèce paléontologique), à l'usage du feu, à l'art, la réalisation de sépultures, des techniques lithiques évoluées mais non figées (très variables selon les sites), une bipédie complète, un language articulé...., avec un berceau plutôt situé en Orient vers 100.000 ans au plus tôt qui aurait envahi ensuite l'Europe et les autres parties du monde en y chassant les néandertaliens et autres Homo qui y habitaient.

Encore un texte que je recopie de L'évolution du vivant de Pierre-Paul Grassé (p 114-115) afin d'illustrer par le style assez direct et sûr de lui de l'auteur, une vision plus globalisante de l'hominisation « Les Hominiens, très tôt, cessaient d'être arboricoles , si tant est qu'ils le furent jamais (la seule considération de l'anatomie du pied suffit pour rendre douteuse la supposition de l'arbricolisme ancestral), augmentaient la taille de leur cerveau, marquant une forte allométrie majorante par rapport aux autres parties du corps, et sa complexité, notamment dans le néopallium (hémisphères cérébraux) qui, avec ses milliards de neurones aux dendrites en forêt, devient un organe doué de propriétés nouvelles, se différenciant chez le jeune enfant par stimulation sociale. En même temps, le squelette et la musculature se modifiaient de telle sorte que de quadrupède l'attitude devenait bipède (migration du trou occipital sous le crâne, réduction du massif facial, courbure de la colonne vertébrale, élargissement du bassin, plantigradie totale...) et que les membres antérieurs n'exerçaient plus la fonction locomotrice, assurée par les seuls membres postérieurs. Les modifications du cerveau, tant qualitatives que quantitatives, ont été le grand thème de l'évolution des Hominiens qui, de la sorte, n'ont pas échappé à la règle de la spécialisation à laquelle sont soumis tous les rameaux zoologiques d'ordre secondaire. Elles nous ont conféré la conscience et la raison d'où est née la liberté de décision. Elles ont rendu possible et inoffensive la perte des conduites innées et automatiques, et nous ont donné le pouvoir de nous adapter à une infinité de circonstances, sans nous engager dans la voie stérilisante de la spécialisation organique ou fonctionnelle. ... En fait, l'hominisation n'est rien d'autre que l'évolution d'une lignée secondaire et buissonnante dont les perfectionnements, il n'est pas de terme plus adéquat, du cerveau et de la main, sont des caractéristiques les plus marquantes, comme la monodactylie et l'hypsodontie pour les Equidés. Depuis cent mille ans, Homo sapiens (...) demeure physiquement stable.»


 Introduction: Les objets et les méthodes - 1. Les origines: un problème à part - 2.Des fossiles aux modèles - 3.L'évolution - 4.Phylogénies - 5.Les grandes lignes de l'histoire de la vie - 6. La lignée humaine

retour plan cours