I. Unicité génétique des individus et polymorphisme des espèces

Le texte en bleu correspond à une refonte des éléments du programme dans un souci de cohérence avec la conception de la vie présentée dans le cours de seconde.
Les chapitres en rouge sont ceux qui ont été traités en cours
les parties barrées correspondent aux aménagements de programme du 29/10


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Remarque: les numéros de pages font référence au livre de TS de R. Tavernier et C. Lizeaux, Bordas, enseignement obligatoire
1. Origine du polymorphisme génique

1.1 Le génome comprend l'ensemble des gènes
Il est indispensable de réviser la notion d'"expression de l'information génétique" acquise en première S (livre TS pp 8 à 14). Pour vous aider, voici un petit vocabulaire:

gène

portion d'ADN qui code pour la synthèse d'une chaîne polypeptidique ; un gène peut être exprimé (actif, transcrit et traduit en protéine) ou réprimé (inactif)

allèle

forme d'un gène (forme allèlique) ; un gène comportant de nombreux allèles est qualifié de polyallélique

ADN

Acide désoxyribonucléique, molécule en double hélice (double brin) formée de nucléotides, présente dans le cytoplasme des cellules procaryotes et dans le noyau et certains organites (chloroplastes, mitochondries) des cellules eucaryotes ; l'ADN peut être dénaturé (séparation des deux brins) par simple chauffage puis renaturé si l'on baisse à nouveau la température

nucléotide

association d'une base azotée (A=adénine, T=thymine, C=cytosine, G=guanine, U=uracile), d'un sucre (le désoxyribose ou le ribose) et d'un, deux ou trois groupement phosphate (PO43-); selon le sucre on a un désoxyribo- ou un ribo-nucléotide, selon le nombre de groupements phosphates on a un nucléotide mono-, di- ou tri-phosphate
(par exemple l'AMP (adénine+ribose+1phosphate) ou le dGTP (adénine+désoxyribose+3 groupements phosphate)

base azotée

nucléoside

nucléotide
(peu employé)

acide nucléique

adénine

adénosine (adénine +ribose)

adénylate

ARN

désoxyadénosine (adénine + désoxyribose)

désoxyadénylate

ADN

guanine

guanosine

guanylate

ARN

désoxyguanosine

désoxyguanylate

ADN

cytosine

cytidine

cytidylate

ARN

désoxycytidine

désoxycytidylate

ADN

thymine

thymidine = désoxythymidine

thymidylate = désoxythymidylate

ADN

Uracile

uridine

uridylate

ARN

Les nucléotides sont utilisés dans tout le métabolisme énergétique (ATP, GTP) mais interviennent aussi dans les fonctions de relation (AMPcyclique, second messager de nombreuses hormones). Enfin, ils s'assemblent en polymères informationnels (ADN, ARNm) et structuraux (ARNr)...

ARN

Acide RiboNucléique, molécule formée d'une chaîne de nucléotides (monobrin) réunis par des liaisons de covalence; des repliements du brins(maintenus par des liaisons hydrogènes entre bases) déterminent la forme et la fonction de l'ARN (on distingue les ARNm (messagers, ARNr (ribosomiaux), ARNt (de transfert) mais certains ARN ont une activité enzymatique : on les qualifie de ribozymes...)

transcription

synthèse d'une molécule d'ARN à partir de l'un des brins de l'ADN (brin transcrit) par un complexe enzymatique: l'ARN polymérase

réplication

duplication de l'ADN par le complexe enzymatique ADN polymérase en phase S (synthèse) de l'interphase pour l'ADN nucléaire

traduction

synthèse d'un polypeptide (chaîne d'aa) à partir d'un ARNm (messager), de ribosomes (associés en polysomes), de nombreuses enzymes et d'énergie (GTP) ; cette synthèse est réalisable in vitro ;

code génétique

correspondance entre les bases de l'ARN et les acides aminés (aa); à chaque triplets de bases (codon) de l'ARNm correspond un triplet de bases (anti-codon) de l'ARNt qui transporte un aa spécifique ; le code génétique est universel (quelques cas d'exceptions chez les Procaryotes), redondant (plusieurs codons correspondent au même aa) et dégénéré ou ponctué (certains codons ne correspondent à aucun aa (codons stop) et provoquent l'arrêt de l'allongement de la chaîne polypeptidique)

1.2 Le génotype d'un individu est la combinaison originale de ses allèles

Si la compréhension de cette phrase ci-dessus reste limitée à l'information génétique, elle est vraie. Mais quelle méprise dans des phrases du genre: "l'unicité de l'individu repose sur l'unicité de son génome". Sans même parler de l'homme, il est nécessaire d'élargir à nouveau notre compréhension de l'individualité du vivant, comme les biologistes l'on toujours fait, l'information génétique n'est qu'une composante, même essentielle, de tout ce qui fait qu'un organisme est cet-individu-là et non un autre (voir cours de seconde). Les êtres vivants ne sont pas interchangeables, même une bactérie avec une autre bactérie.

La technique des empreinte génétiques (voir encadré ci-dessous) permet de visualiser de façon spectaculaire la variabilité de séquence de l'ADN entre individus éloignés. Elle permet aussi de faire des comparaisons intéressantes entre individus de même famille. MAIS ATTENTION les fragments d'ADN visualisés ne sont en aucun cas assimilables aux gènes (tout comme les bandes colorées des caryotypes qui ne correspondent qu'à des variations de fixation des colorants utilisés). Ce qui est mis en évidence par une empreinte est la variabilité de la séquence de l'ADN de chacun.

On peut aussi utiliser dans certains cas favorables des sondes moléculaires radioactives (ADN monobrin ou ARN) pour repérer des allèles spécifiques (programme de SVT de Spécialité).

La localisation de nombreux gènes est connue chez l'homme (voir carte par exemple du chromosome 11 de l'homme p 20). Le génome humain est en cours de séquençage. Je vous conseille d'aller voir par exemple le site du Généthon (http://exogene.genethon.fr/)

Une empreinte génétique est le résultat d'une technique de génie génétique. L'ADN est dénaturé (par chauffage) puis coupé en une multitude de fragments (par une enzyme dite de restriction). Une électrophorèse sépare ensuite ces fragments en fonction de leur taille (voir p395). On met ensuite l'électrophorétogramme (résultat de l'électrophorèse) en présence d'une sonde radioactive multi-locus (fragment d'ADN monobrin rendu radioactif et susceptible de se lier par liaison hydrogène à une séquence présente en un très grand nombre d'exemplaires dans l'ADN de chaque personne). Après rinçage, la sonde les fragments d'ADN ayant fixé la sonde sont repérés par autoradiographie (voir p 392). La taille des fragments d'ADN révélés par autoradiographie dépend donc à la fois de la présence d'un site de coupure par l'enzyme de restriction et d'un site de fixation de la sonde (site d'hybridation). Chaque électrophorétogramme est remarquablement spécifique d'un individu (certains estiment la probabilité d'avoir deux empreintes génétiques identiques réalisées avec la même sonde pour deux individus à 3.10-11). Cette technique est utilisée en criminologie ou en recherche de paternité. Lorsque l'on ne dispose pas d'une grande quantité d'ADN il est alors nécessaire d'utiliser la PCR (polymérisation en chaîne) pour multiplier un grand nombre de fois l'ADN récolté. Cette technique est cependant difficile à réaliser et demande d'énorme précautions pour ne pas amplifier de l'ADN parasite...

La notion de génotype et de phénotype ont beaucoup évolué et je souhaiterais être le seul pour qui il était définitivement établi que tout phénotype était codé par le génotype. Deux petits exemples pris dans "Exercices de génétique avec solutions", J-L. Rossignol, J. Bernard et F. Quétier, Masson, 1980:

Problème n°1:
On possède deux lignées d'Euglènes (Protiste (donc unicellulaire eucaryote) avec une paroi pectocellulosique, des mitochondries et souvent des chloroplastes). La lignée A se multiplie en culture (mitoses assez atypiques, notamment sans disparition de l'enveloppe nucléaire d'après ce que j'en sais) et donne des individus qui verdissent à la lumière (on observe de nombreux chloroplastes dans leur cytoplasme) et s'étiolent à l'obscurité (les chloroplastes disparaissent, ils deviennent franchement hétérotrophes vis-à-vis du carbone). La lignée B se multiplie en culture et ne donne que des euglènes jaunes qui restent hétérotrophes et ne verdissent jamais, même à la lumière.

Question:
Que pouvez-vous dire sur le génotype et le phénotype de ces deux lignées ?

Une solution (discussion !) du problème n°1:
Si l'on utilise la terminologie actuelle de phénotype (tout caractère visible, quelle qu'en soit l'échelle) et de génotype (composition allèlique d'un individu), il est évident que, si l'on considère que chaque lignée possède un génotype fixe (car transmissible par mitose), ce génotype peut coder pour deux phénotypes différents (lignée A) et inversement, deux phénotypes (A étiolé et B) identiques peuvent résulter de deux génotypes différents.
Le déterminisme de l'autotrophie/hétérotrophie, qui peut être caractérisée par la présence ou l'absence de chloroplastes mais qui n'est bien sûr pas uniquement limité à cela, est transmissible par reproduction asexuée (mitoses). Il est gênant de parler de phénotype. Personnellement, je préférerai que l'on réserve le terme de phénotype à des caractères dont la liaison avec le génotype est reconnue. On pourrait parler de cytotype (très laid) ou de morphotype (très galvaudé car utilisé dans des sens différents).

Problème n°2:
Des expériences sont réalisées chez Escherichia coli. Cette bactérie (souche sauvage) est capable d'utiliser le glucose comme substrat respiratoire mais aussi le lactose. On connaît une enzyme: la ß-galactosidase qu'elle synthétise et excrète dans le milieu. La présence ou l'absence de cette enzyme peut être révélée aisément de façon expérimentale dans le milieu de culture.
On cultive 4 lignées A, B, C et D, qui ont un comportement différent en fonction du substrat et de la température du milieu de culture; voici le résultat des cultures QUI SONT REPRODUCTIBLES SUR DE NOMBREUSES GÉNÉRATIONS:

milieu glucosé
milieu lactosé
22 °C
37°C
22 °C
37°C
souche A
+(ß-)
+(ß-)
+
+
souche B
+(ß-)
+(ß-)
+
-(ß-)
souche C
+(ß-)
+(ß-)
-(ß-)
-(ß-)
souche D
+(ß+)
+(ß+)
+
+
+ indique que la souche pousse, - qu'elle ne se développe pas
ß+ indique la présence de la ß-galactosidase dans le milieu et ß- son absence lorsque celle-ci a été testée

Question:
Que peut-on en déduire sur les phénotypes et les génotypes de ces souches ?

Une solution au problème n°2:
Une fois encore on ne sait rien sur les génotypes à partir du seul phénotype sauf dans le cas où l'on teste effectivement la présence de la ß-galactosidase dans le milieu. Il faut séparer deux caractères essentiels: d'une part la capacité de la souche à se développer sur milieu lactosé à telle ou telle température (+/-), d'autre part la capacité de la souche à synthétiser et excrèter la ß-galactosidase dans le milieu (ß+/ß-). Donc seules les souches D, A et B ont avec certitude le gène de la ß-galactosidase car ce sont les seules pour lesquelles la présence dans l'enzyme dans le milieu a été testée. C n'a donc peut-être pas le gène, en tout cas il n'est pas exprimé. Quand à l'expression du gène de A, B et D en fonction du substrat (présence de glucose ou non), et de la température, elle est donc différente pour chacune des souches. C'est une preuve évidente du contrôle de l'expression du génome. Toutes les hypothèses sont permises notamment celles concernant un contrôle cytoplasmique ou même un contrôle de la population cellulaire... bien évidemment il peut aussi s'agir d'un contrôle génétique mais ce n'est pas du tout la seule hypothèse possible.

1.3 Les mutations produisent de nouveaux allèles

Une mutation est une modification de la séquence de l'ADN. On distingue les mutations ponctuelles (affectant directement un seul codon), seules envisagées ici, et les mutations d'ordre supérieur qui modifient en bloc une grande partie du génome (réparation "excessive" du génome après cassure, échange de chromatides, perte d'ADN...). On distingue classiquement parmi les mutations ponctuelles (voir tableau p17): les mutations par substitution (substitution d'une base par une autre) ou par inversion (changement dans l'ordre des bases d'un codon), par délétion (suppression d'une base) ou par addition ou insertion (ajout d'une base). La fréquence d'apparition spontanée de mutations dans une culture bactérienne est de l'ordre de 10-6. On peut augmenter celle-ci par des agents mutagènes (U.V., produits chimiques variés).

Chez les procaryotes l'apparition de nouveaux caractères (résistance à un antibiotique par exemple) peut directement être mis en relation avec une mutation ponctuelle. On peut donc supposer que la mutation est à l'origine de l'apparition d'un nouveau caractère ou allèle. En fait la mutation provoque la plupart du temps une perte de l'expression d'un gène. Il existe par contre une certaine variabilité génétique propre de nombreuses espèces bactériennes qui, par des mécanismes de recombinaison génétique (échanges de portion d'ADN), entretiennent une grande diversité des produits de l'expression de leur génome. Il ne s'agit pas dans ce cas de mutations mais de la variabilité propre des espèces.

Chez les eucaryotes on a pu mettre en évidence dans certains cas très précis une relation directe entre la synthèse d'une protéine anormale et la présence d'un allèle modifié. C'est par exemple le cas de la drépanocytose où anémie falciforme. La forme des hématies en faucilles et les problèmes respiratoires dus au mauvais fonctionnement à basse pression de dioxygène peuvent être imputés à la présence d'une hémoglobine anormale (HbS) qui présente une substitution d'un nucléotide au codon n°6. L'origine de cette maladie est donc clairement établie comme étant une modification de la séquence d'un gène codant pour l'hémoglobine. Il s'agit donc d'une mutation qui remonte certainement à des temps très anciens de l'humanité.

1.4 Les mutations sont parfois visibles dans le phénotype

On distingue 2 types de mutations ponctuelles:
- les mutations non-sens: le codon muté est un codon stop qui provoque l'arrêt prématuré de l'allongement de la chaîne polypeptidique; la protéine synthétisée est alors généralement non fonctionnelle
- les mutations faux-sens: qui vont du changement d'un seul aa au décalage complet du cadre de lecture et donc à la synthèse d'une chaîne d'aa qui peut être fort différente.

Une mutation , du fait de la redondance du code génétique, peut être neutre ou silencieuse et ne pas provoquer de changement dans la chaîne polypeptidique codée par le gène muté. Elle peut aussi être supprimée par l'intervention d'ARNt (dits suppresseurs) qui peuvent se lier à plusieurs aa différents.

1.5 Les mutations sont parfois transmises à une autre génération

On imagine qu'il y a des mutations somatiques (qui touchent les cellules du soma, c'est-à-dire les cellules non sexuelles) et des mutations germinales (qui touchent les cellules sexuelles ou germen). Seules les mutations germinales sont susceptibles d'être transmises à une autre génération. Une mutation peut ensuite, si elle est transmise à l'œuf, être exprimée dans toutes les cellules de l'individu.

Pour qu'une mutation soit exprimée chez un diploïde, elle devrait en théorie être présente à la fois dans les deux gamètes ayant fusionné lors de la fécondation, ce qui est fort improbable et oblige toute mutation à intervenir en même temps chez deux individus.

Il devient donc de plus en plus évident que les mutations, découvertes chez les procaryotes puis chez les eucaryotes ont permis d'innombrables progrès notamment en médecine par la découverte de maladies génétiques (voir page sur une histoire de la génétique). Mais, d'une part, toutes les maladies ne sont pas génétiques, d'autre part, les mutations ne sont pas les seules modifications héréditaires, chez les eucaryotes elles perdent franchement de leur importance étant donné la complexité de l'organisme. Les anomalies de développement se référant à des dérèglements touchant l'information cytoplasmique et surtout l'information extracellulaire, deviennent majoritaires (Un livre à lire: Rosine Chandebois: le gène et la forme" voir la bibliographie).

Une mutation, pour être transmise, ne doit bien sûr pas être létale (provoquer la mort de la cellule mutée).

1.6 Les mutations sont responsables du polymorphisme des populations

La théorie actuelle propose que les mutations soient à l'origine de la variabilité des individus dans l'espace et dans le temps. Les mutations non létales, transmises de générations en générations, s'accumuleraient au sein des populations. Quelques essais d'expériences sur des populations de drosophile (petite mouche du vinaigre Drosophila melanogaster) ont été conduites en ce sens. Dans les populations humaines l'application de cette théorie permet d'interpréter la distribution de certains allèles (par exemple les maladies sanguines de type thalassémies sur le pourtour de la thalassa ou Méditerranée) comme liés à des mouvements historiques migratoires des populations.

Cette théorie est dépassée, elle repose sur une conception erronée de l'individu, ici l'homme, qui résulterait de l'expression de ses gènes et donc uniquement de son information génétique. Il a toujours été enseigné par les biologistes qu'un individu possédait non seulement une information génétique, mais aussi une information cellulaire, cytoplasmique, et enfin une information extracellulaire, lui venant du milieu extérieur. Limiter l'information à l'information génétique est une réduction erronée. Pour quelques détails voir le cours de seconde.
La répartition des allèles au sein des populations et l'étude des mutations qui leur ont donné naissance reste cependant tout à fait légitime tant que l'on ne considère pas qu'un individu est le résultat de l'expression de ses allèles, ce qui est rabaisser la personne humaine à bien peu de choses.
Il est donc clair qu'un individu, même du point de vue strictement biologique, n'est pas le résultat de la combinaison de ses allèles. Son génome est manipulé par ses cellules et il forme un être vivant autrement plus complexe qu'une simple sommation d'expressions de gènes. Comparer des individus à l'aide de séquences d'ADN est une méthode dangereuse dans le sens où elle ne tient pas compte de la globalité de l'être vivant.

2. Mécanismes fondamentaux de la reproduction sexuée et du développement

En ce qui concerne le travail de reproduction il faut souligner l'importance des mécanismes cytologiques de la division cellulaire. Vous devez bien comprendre que la mitose ou la méiose ne sont pas des mécanismes de répartition du matériel génétique mais d'authentiques mécanismes de DIVISION CELLULAIRE qui impliquent donc non seulement les chromosomes mais tous les organites cytoplasmiques (division préalable des mitochondries, du REG, du Golgi, des centrioles, ..; répartition égale ou non des ribosomes etc.).

2.1 Le cycle de développement des organismes fait alterner phase haploïde et phase diploïde

Il est caractéristique que l'on présente comme élément essentiel du cycle de développement d'un individu uniquement sa garniture chromosomique. Les biologistes ont toujours parlé de génération, terme auquel il est préférable de revenir. Le cycle de l'homme ne présente qu'une seule génération alors que le cycle des champignons en comporte 2 ou 3. Par souci de simplification, on risque de passer à côté de l'essentiel.

La phase haploïde résulte d'une méiose, la phase diploïde succède à une fécondation. Les cycles haplophasiques sont à haplophase (phase haploïde) dominante, ou phase diploïde réduite au zygote (cellule œuf). Les cycles diplophasiques sont à diplophase (phase diploïde) dominante, ou phase haploïde réduite aux gamètes.

Cycle diplophasique de l'homme
(2n = phase diploïde (2n=46 chromosomes chez l'homme), n = phase haploïde(n=23))

2.2 La méiose assure le passage de la phase diploïde à la phase haploïde

Ce titre, qui est de moi, je m'en excuse, et qui est dans l'air du temps (car je sais que c'est la seule chose qui va être demandée à mes élèves au bac), est fondamentalement réducteur. Lors de la méiose les deux divisions successives sont accompagnées de maturations très originales qui seront étudiées lors de l'étude de l'ovogénèse et de la spermatogenèse (dont les mécanismes cytologiques et pour partie physiologiques ont été retirés du programme). Il n'est pas indifférent que ces phénomènes de gamétogénèse se produisent au sein des organes sexuels sous le contrôle d'hormones sexuelles. L'aspect chromosomique de la méiose n'est qu'un aspect très limité des mécanismes de formation des gamètes intervenant dans la reproduction sexuée.

La méiose typique comporte deux divisions successives (2 cytodiérèses (séparation du cytoplasme) donnant donc lieu à 4 cellules filles) dont les étapes chromosomiques (caryodiérèses ou séparations du noyau) sont séparées arbitrairement en 8 phases (prophase I, métaphase I, anaphase I, télophase I, prophase II, métaphase II, anaphase II et télophase II) (voir p31). On retiendra 3 étapes chromosomiques essentielles:

Variations de la quantité d'ADN au cours de la méiose

Chez l'homme, la méiose est typique et dure environ 24 h et se déroule lors de la spermatogenèse. A partir d'un spermatocyte I on obtient 4 spermatides. Chez la femme, la méiose est atypique, elle commence avant la naissance et ne se termine éventuellement qu'après la fécondation. Lors de l'ovogenèse, l'ovocyte I (bloqué en prophase de première division de méiose depuis la vie embryonnaire) donne naissance (12h avant l'ovulation) à un ovocyte II ou ovocyte mâture et à un globule polaire (à la suite d'une cytodiérèse inégale). L'ovocyte II se bloque immédiatement en métaphase de deuxième division et ne donne naissance à un ovule et à un deuxième globule polaire qu'après l'éventuelle pénétration du noyau d'un spermatozoïde lors de la fécondation.

2.3 La fécondation restaure la diploïde à partir des gamètes haploïdes

Même remarque que pour le titre précédent. La fécondation est d'une part la fusion de deux cellules et donc non seulement la réunion du matériel génétique mais aussi de certains éléments cytoplasmiques (l'inégalité de participation entre l'ovocyte II et le spermatozoïde sont des éléments essentiels) et d'autre part, ce qui est loin d'être négligeable, un événement qui a lieu dans un lieu déterminé (fécondation interne ou externe) avec tous les contrôles que cela suppose, tant sur le déroulement de la fécondation elle-même que sur le devenir de l'oeuf.

Lors de la fécondation chez l'homme qui a lieu dans les trompes, le spermatozoïde doit dissocier les cellules folliculaires grâce à des enzymes qu'il sécrète. Il pénètre ensuite à travers la membrane pellucide grâce à la libération des enzymes contenus dans sa vésicule acrosomiale (acrosome) présente à la tête du spermatozoïde. La tête du spermatozoïde s'accole latéralement à l'ovocyte II, leurs membranes fusionnent (il y a cytogamie ou fusion des cytoplasmes MAIS il semble que seul le noyau du spermatozoïde pénètre dans le cytoplasme de l'ovocyte, ceci est important car, par exemple, on suppose alors que l'ensemble des mitochondries sont d'origine maternelle...). L'ovocyte fécondé se débloque alors et continue sa méiose (anaphase II puis télophase, expulsion du deuxième globule polaire), excrète vers l'extérieur le contenu de petites vésicules qui transforment la membrane pellucide en membrane de fécondation (obstacle essentiel à la polyspermie ou fécondation par plusieurs spermatozoïdes d'un seul ovocyte). La caryogamie (fusion des noyaux que l'on appelle les pronuclei, le pronucleus mâle étant plus gros que le pronucleus femelle) est retardée de quelques heures. La première mitose de l'œuf intervient quelques heures après la fécondation. Le développement se poursuit dans les trompes puis l'utérus après nidation.

3. Brassage génétique assuré par la reproduction sexuée et unicité génétique des individus

Toute cette partie doit être renommée: il ne s'agit plus ici de faire de l'analyse génétique formelle (c'est-à-dire une analyse des résultats de divers croisements aussi bien chez des haploïdes que des diploïdes: voir pages d'histoire de la génétique) mais d'illustrer des notions vues auparavant. Les résultats doivent être interprétés à l'aide des mécanismes chromosomiques connus de la méïose ou supposés du crossing-over. On peut déplorer le fait qu'il ne soit plus demandé à l'élève que d'expliquer des résultats à partir de ses connaissances mais étant donné les sujets posés au baccalauréat il me semble que l'on n'attend aucune réflexion critique de la part du candidat, ce qui est fort dommage.
C'est pour cette raison que je ne vais pas faire de cours dans cette partie car les règles élémentaires de l'analyse expérimentale ne sont pas respectées. Je me contenterai donc de présenter des exemples (que je ne reporte pas ici) qui sont ceux que l'on peut demander de restituer sans réflexion au candidat.
UN JEU:
Étude de la transmission d'un caractère lors du croisement de deux spores chez Sordaria
Et si le crossing-over n'existait pas ?

On croise une spore noire avec une spore jaune. Nous avons utilisé comme la plupart des lycées les souches du commerce (Sordalab). On notera que les souches commercialisées sont d'une part la souche sauvage à spore noire, d'autre part des souches manipulées pour éviter des autofécondations. On est donc loin d'un modèle naturel. Comme il est beaucoup trop long de faire une analyse statistique des asques obtenues, le TP se résume à une simple observation. Si l'on veut pousser un peu l'analyse on est franchement catastrophé par la difficulté rencontrée par les élèves... on est pourtant dans un cas d'étude d'un seul caractère...et on voudrait nous faire croire que c'est beaucoup plus simple chez l'homme...

On obtient 6 types d'asques avec les pourcentages habituels. Par exemple (N: spore noire, J: spore jaune) sur 692 asques obtenues: 575 possèdent 2 fois 4 spores de même couleur alignées qui se suivent avec 280 (JJJJNNNN) et 295 (NNNNJJJJ) et 117 asques plus complexes: 26 (JJNNJJNN), 29 (JJNNNNJJ), 32 (NNJJNNJJ) et 30 (NNJJJJNN).

But du jeu: trouver d'autres mécanismes que le crossing-over pour expliquer ces résultats; en fait il s'agit d'essayer de se retrouver dans les conditions de l'expérimentateur qui a observé pour la première fois ce croisement

Une solution:
Je vous propose une méiose anormale: les deux divisions sont inversées dans le temps. La première division de méiose anormale sépare les chromatides et la deuxième division sépare les homologues. Pour expliquer les différentes proportions il reste ensuite à proposer des variations d'orientation du fuseau de division (même direction mais sens opposé).

Explication:
Les deux allèles sont réunis dans le zygote (NJ). Après une phase S il possède deux chromosomes ayant chacun ceux chromatides portant chacune un exemplaire du gène (NNJJ).

  • A la première division de la méiose, si l'on sépare normalement les homologues, on obtient des spores (NN) et (JJ): il y a préréduction (ou disjonction précoce des allèles réunis lors de la fécondation dans la même cellule). Selon l'orientation des fuseaux de division ont peut obtenir deux types d'asques (NN,JJ) ou (JJ,NN). Les allèles identiques portés par les deux chromatides d'un même chromosome se séparent ensuite à la deuxième division de la méiose (N,N,J,J). La mitose qui suit permet d'obtenir 8 ascospores ordonnées (NNNNJJJJ) ou (JJJJNNNN).
  • Si le première division de la méiose est anormale et qu'elle sépare les chromatides d'un même chromosome on obtient deux cellules à 2n chromosomes possédant encore les deux allèles (N,J). A la deuxième division de la méiose anormale, si on a séparation des homologues on retrouve 4 cellules haploïdes possédant soit l'allèle N soit l'allèle J. La disposition des spores dans l'asque dépendant de l'orientation des fuseaux de division; on observe les différents types habituels.
    une représentation en est donnée dans le cours sur la
    reproduction.

Ce jeu est à mon avis un excellent exercice. Le risque d'embrouiller l'esprit de l'élève me semble compensé par la stimulation qu'il reçoit avec une forte tendance à éviter les idées reçues.
La premier problème concerne la notion même d'asque ordonné. Pourquoi les ascopores sont elles ordonnées. La réponse est évidente: parce que les fuseaux de division qui à partir de la cellule oeuf donnent les 8 spores sont tous dans la même direction (on peut considérer que c'est une contrainte de la paroi de l'asque). Mais sont-ils dans le même sens ? L'obtention de certains asques avec des chevauchements de fuseaux est aussi un bon point d'observation qui permet aux élèves de réfléchir. La variabilité des arrangements des asques est-elle due à une variabilité des migrations chromosomiques ou à une variabilité des sens des fuseaux méiotiques et mitotiques ou les deux ?.
Le deuxième point non moins important concerne la compréhension globale des phénomènes de mitose et de méiose. Il est regrettable que l'on parle encore du comportement des chromosomes: c'est leur donner une individualité qu'ils ne possèdent pas. Les chromosomes sont tirés par les mouvements relatifs des fibres kinétochoriales et fusoriales (pour ce que j'en sais). Ce qui détermine leur mouvement est donc bien un axe et un sens qui sont eux-mêmes déterminés par la cellule. La loi d'équirépartition des chromosomes dans les cellules filles est un mécanisme dont il faut rechercher la cause dans la cellule (ou les cellules avoisinantes qui agissent sur elle par des signaux variés). Pour s'en convaincre il suffit de chercher le déterminisme des divisions anormales. Il est évident qu'une trisomie est un mystère si l'on essaye de comprendre la comportement d'un chromosome sans faire référence à la cellule qui le manipule. La cause des trisomies est à rechercher dans des anomalies cellulaires mais aussi dans des dysfonctionnements de maturation et de contrôle des cellules sexuelles au sein des gonades.

Ceci n'est donc pas qu'un jeu. Mais il est évident que si l'on étudie la transmission de deux caractères chez des champignons haploïdes, les mécanismes seront différents (je propose une autre interprétation avec trois gènes dans la partie sur la reproduction sexuée). Mon propos n'est pas de juger ni de réinterpréter ce qui a certainement été fait et très bien fait par d'excellents expérimentateurs mais de stimuler l'esprit de mes élèves.

3.1 Le brassage intrachromosomique est réalisé par crossing-over en prophase de la première division de méiose

3.2 Un brassage interchromosomique est réalisé à l'anaphase de la première division de méiose

3.3 Un autre brassage interchromosomique est réalisé lors de la fécondation

4. Diversité génétique des populations

4.1 Tous les allèles n'ont pas la même fréquence dans les populations

4.2 Le milieu exerce une pression sélective sur les allèles

4.3 Le polymorphisme allèlique des populations est le résultat de croisements dus aux mouvements des populations

4. Prévisions en génétique humaine

Du point de vue biologique, la transmission de la vie ne se résume pas à des facteurs génétiques comme nous l'avons montré ci-dessus.
Prévoir c'est rechercher les causes connues. Il faut donc connaître avec certitude une cause génétique (recherche des causalités d'une défiscience, d'une maladie), puis la rechercher chez un individu (dépistage). On peut comprendre que ces deux aspects de la prédiction soient du ressort du scientifique.
Mais la prévision ne sert à rien en elle-même, elle doit déboucher sur l'action. Une information sur un risque génétique fournie à un patient en dehors du cadre médical me semble détournée de son but. L'information prédictive doit donc déboucher sur un acte thérapeutique. Elle doit donc être le fait du médecin. Ce n'est plus le rôle du biologiste.
Classiquement on distingue la médecine curative (qui soigne les effets) et la médecine préventive (qui soigne les causes). Mais la médecine garde toujours le même but: soigner. Il me semble, mais peut-être ai-je tort, que l'on confond un peu parfois la notion de médecine préventive et la notion de médecine prédictive. La médecin n'est pas devin, ni mathématicien probabiliste, ni scientifique (au sens d'exprérimentateur): il applique son art. Ses connaissances scientifiques, étayées par sa pratique, lui permettent d'être efficace. Comment peut-on soigner une maladie que le patient n'a pas encore mais pour laquelle il présente un risque. Un conseil d'hygiène de vie est approprié et suffisant, le reste relève de la liberté individuelle. La société n'a pas le droit d'utiliser les médecins ou les scientifiques pour faire un dépistage systématique d'un risque (je souligne bien le fait que je en parle pas d'une anomalie mais d'un risque) même avec l'accord des personnes car il y a toujours une certaine coercition à proposer une analyse gratuite. Si l'on ne peut pas soigner un risque, tout simplement parcequ'il n'y a pas de maladie à soigner, je crains que ce que l'on ne cherche en réalité soit de voir disparaître les inégalités génétiques: ce n'est plus du soin, c'est de l'eugénisme. Je sais que le mot est fort mais il je crois qu'il faut être clair et qu'il ne peut pas y avoir d'attitude neutre. Le dépistage systématique du risque est pour moi une atteinte grave à la liberté individuelle alors qu'elle se présente comme libératrice. Il est compréhensible qu'une société cherche à minimiser ses coûts de santé (il est moins cher de proposer un dépistage génétique puis des avortements (voir plus loin) plutôt que de soigner des malades sur de longues années) mais n'est pas acceptable que cela se fasse au détriment du respect des personnes. C'est ici qu'il y a un problème majeur d'éthique à soulever.
Le danger me semble beaucoup plus important que l'on veut nous le faire croire, mais je me trompe peut-être. Rechercher un "défaut" génétique, c'est-à-dire par exemple un allèle muté qui, à l'état homozygote, est cause d'une maladie grave, n'est pas un acte bénin. Que va-t-on proposer au vu de résultats positifs ? Ne pas procréer ? Choisir un conjoint en fonction de cet allèle ? Dans ce cas tout le monde se recrie (voir Bordas cours par exemple, p 85 &3 à propos des thalassémies en Italie.... je me demande quelle est la fiabilité de ces informations. A mon avis elles sont tout simplement fausses). C'est encore pire si l'on continue notre lecture: "Cependant, le nombre d'enfants thalassémiques diminue rapidement du fait des progrès du diagnostic prénatal qui permet de détecter les foetus homozygotes". Il manque la fin de la phrase que l'on imagine aisément : ...et proposer alors un avortement thérapeutique.... A moins qu'il existe un moyen de soigner ces enfants précocement ou même in utero mais je crains que cela ne soit pas le cas. Le fait de tuer un foetus n'est pas un acte médical. Le foetus est vivant, il n'est pas encore malade, il se développe. On le tue par peur, par refus de ce qu'il pourra souffrir ou être plus tard. C'est une lourde responsabilité, certainement pas celle d'un médecin. En tout cas je ne vois pas comment, en tant que professeur de biologie (j'ai donc la vie pour profession), je peux présenter de telles attitudes comme normales, courantes, morales (en accord avec la fin de l'homme) à mes élèves.

Un article dans la revue de la MGEN, Valeurs mutualistes (n°211, mai 2001, "Gare à la tentation d'un eugénisme doux"), un entretien avec Alain Etchegoyen (ancien membre du Conseil national d'éthique), me paraît tout à fait aller dans le même sens: en voici quelques extraits
« EH : Quels doivent être selon vous les objectifs d'une loi sur la bioéthique ?
A.E. : La loi doit avant tout interdire certaines offres. Car à partir du moment où l'offre existe, la demande existe forcément et peut se faire pressante. Que se passerait-il, par exemple, si à l'occasion d'un diagnostic pré-implantatoire, les médecins disaient aux parents : «Voilà, nous pouvons faire en sorte que votre futur enfant soit exempt de telle ou telle maladie très grave dont vous êtes porteurs dans la famille, et si vous voulez, nous pouvons aussi éviter qu'il ait un bec de lièvre ou un doigt plus court que l'autre». Il est très difficile de résister à de telles offres, d'autant plus qu'une économie de marché accroît encore la pression. Si vous avez par exemple la possibilité technique d'éviter que votre futur enfant soit asthmatique, que se passera-t-il si vous la refusez ? Une compagnie d'assurance ne pourra-t-elle pas tirer argument de votre attitude pour refuser de prendre en charge les soins de l'enfant ? Une décision historique a été prise par Tony Blair cet été : il a autorisé les compagnies d'assurances à demander les analyses génétiques de leurs assurés lorsque ceux-ci ont des maladies génétiques dans leur famille. En France, il n'en est pas question pour le moment. Il existe un moratoire, mais la question n'est pas définitivement réglée.
KM. : Vous dites qu'il ne faut pas faire porter aux individus des responsabilités «artificielles».
A.E : Dès lors qu'une offre est terrible et culpabilisante, dès lors que la pression du marché pèse de tout son poids, les individus se retrouvent effectivement devant des choix auxquels ils ne devraient pas être confrontés. Il ne faut pas non plus sous-estimer la compétition entre les médecins et entre les hôpitaux. Parler de "corps médical" est une illusion, car il y a en fait très peu d'union et beaucoup de rivalités ! Cette compétition contribue elle aussi à nous faire entrer dans un cycle où l'on ne maîtrise plus rien. Une innovation, quelle qu'elle soit, débordera toujours de ces objectifs initiaux à partir du moment où elle entre sur le marché. On l'a vu avec l'hormone de croissance : les circuits les plus fous ont été mis en place afin de poursuivre l'approvisionnement. On est allé cherché des hypophyses jusqu'au fin fond de la Roumanie ! Je me souviens d'une publicité pour un institut médical qui disait : « Mieux vaut une consultation de plus que dix centimètres de moins.» Après les cas de nanisme, l'offre médicale s'était élargie à toute les personnes de petite taille, comme si c'était inconcevable de mesurer moins d'un mètre cinquante. Dans notre société, la normalité devient obsédante.
VM. Selon vous, la démocratie n'est pas un rempart contre les dérives les plus extrêmes ?
A~E. : Il y a un événement qui se produit très souvent lorsque je donne une conférence sur la bioéthique : à la fin, une personne aveugle, ou atteinte d'un handicap quel qu'il soit, vient me trouver en disant : «Finalement, ils voudraient que je n'existe pas.» Et je pense que nous vivons effectivement dans une société très normalisatrice, où la tentation d'un eugénisme «doux» est très présente. Certains scientifiques récusent l'utilisation du terme «eugénisme» , qu'ils relient uniquement aux régimes totalitaires. Et pourtant, à mon sens, l'eugénisme démocratique est le pire qui soit. Justement parce qu'il se présente sous forme indolore et presque invisible. Un acte comme le diagnostic pré-implantatoire est très médicalisé, abstrait, mais il produit bel et bien un eugénisme d'un type nouveau, qui n'est pas plus acceptable que de supprimer des enfants à la naissance.

Ces considérations sont peut-être inutiles dans ce cours car ce qui est effectivement demandé à un élève de terminale est beaucoup plus innocent mais à mon avis peu valorisant intellectuellement : on lui demande simplement d'appliquer ses connaissances sur la méïose à l'analyse des arbres généalogiques. Là encore, le titre du programme, beaucoup trop ambitieux, ne reflète pas le niveau des sujets que l'on peut poser. Pourquoi ne pas parler d'analyse des arbres généalogiques ?
Il y a une autre question que je me pose. J'espère qu'elle est complétement idiote mais je n'en suis pas si sûr. Certains sujets du baccalauréat présentent à la fois des arbres généalogiques classiques et des résultats modernes issus des techniques d'hybridation de sondes radioactives. Je me demande parfois si ces deux types de résultats ont bien été obtenus pour la même maladie et pour les individus indiqués. On a parfois l'impression que ces exercices sont théoriques, un peu comme des exercices de mathématiques... J'espère rêver et que personne n'aurait osé falsifier des résultats en les proposant à l'analyse sans qu'ils soient réels, c'est-à-dire expérimentaux... mais je me demande parfois..... Si l'intention est louable le procédé resterait inacceptable, même à des fins pédagogiques, car il remet en cause le fondement même de notre science expérimentale.

4.1 Une génétique de l'homme
L'homme présente des caractéristiques spécifiques au niveau biologique: un cycle de développement long (9 mois de développement embryonnaire et fœtal intra-utérin, une dizaine d'années avant la maturité pubertaire), une fécondité faible (en regard d'autres organismes vivants capables par reproduction sexuée ou asexuée de donner naissance à des milliers d'individus; en tout cas il n'y a pas la possibilité d'effectuer des statistiques sur une seule descendance humaine), une formule chromosomique complexe (23 paires de chromosomes)...
L'homme présente aussi des spécificités qui, pour ne pas être du domaine biologique, n'en sont pas moins incontournables: le respect de la liberté humaine fait que l'on ne peut pas imaginer des croisements expérimentaux (ne serait-ce qu'à l'état de suggestion...). De même, toute prévision, recherche ou information communiquée à l'homme implique sa personne et souvent un couple, le scientifique doit alors laisser la place au médecin ou au psychologue ou à d'autres spécialistes de la nature humaine qui tiendra compte de cette dimension éthique.

Elles sont quatre, assises en demi-cercle, devant mon bureau, cheveux, yeux, stature de filles Viking, comme leur mère (comme leur père aussi je l'apprendrai plus tard), debout à l'écart. Toutes sauf une, Nathalie la dernière, brune aux prunelles sombres. Et la mère me raconte cette histoire incroyable : lorsque Nathalie est née il y a quinze ans, un visiteur ami lui a dit à la clinique, mi-rieur, mi-sérieux : «cette fille-là ne peut être de ton mari ... c'est dans tous les livres de génétique». Telle la calomnie chantée par don Basile, cette plaisanterie discourtoise et maladroite s'est enflée démesurément. D'autres amis du couple l'ont reprise, les soirs de rencontre. Le mari blond aux yeux clairs a douté. Nathalie a demandé un jour : «Quel est mon vrai père, puisque je ne suis pas la fille de papa ? ».
Les jeunes filles quittent mon bureau. Leur mère restée seule me confie que, depuis plusieurs années, elle vit un drame et qu'on la soigne pour une dépression grave. Son ménage va se briser. A cause d'une boutade, prononcée devant elle quinze ans plus tôt. A cause du schéma fréquemment repris (même dans certains livres de sciences naturelles) et qui voudrait illustrer les lois de Mendel en prenant comme exemple l'hérédité de la couleur des yeux humains. Faux parce que trop simplifié, ce schéma présente la couleur de l'iris comme provoquée par l'action d'un seul gène. En clair, il aboutit à la conclusion suivante : des parents blonds aux yeux bleus ne peuvent procréer que des enfants blonds aux yeux bleus. Ce qui est inexact, la couleur des yeux étant déterminée par l'action de plusieurs gènes....
Dans un avis écrit, j'offre à la mère ainsi qu'à son mari, la possibilité d'établir chez tous deux la carte des systèmes sanguins qui est devenue si longue et si complète que non seulement l'expert ne se contente plus d'énoncer comme autrefois une {exclusion de paternité» , mais peut pratiquement affirmer qu'un mari est ou n'est pas le père de son enfant....
Je n'ai jamais connu le dénouement heureux ou malheureux de ce drame créé de toutes pièces, vingt ans auparavant, par la remarque déplacée d'un «ami».

Dans "L'hérédité racontée aux parents", J.M. Robert, Ed. du Seuil.

4.2 L'étude d'un arbre généalogique permet parfois de prévoir le phénotype des descendants: des cas d'hérédité mendélienne

4.2.1 Transmission des groupes sanguins du système ABO (groupes de Landsteiner)

p76, présentation formelle; p88 - interprétation moléculaire

4.2.2 Hérédité liée au sexe: daltonisme et hémophilie, myopathie de Duchenne

p 80-81

4.2.3 Analyse simplifiée des arbres généalogiques

Analyse simplifiée des arbres généalogiques
DANS LE CADRE D'UNE HÉRÉDITÉ MENDELIENNE

Il est préférable de parler de transmission d'un caractère, même si presque tout le monde accepte que l'on parle de transmission d'un allèle, forme d'un gène associé à un caractère.

Un caractère transmis héréditairement (c'est-à-dire présent dans un arbre généalogique chez de nombreux individus et donc supposé être porté par les chromosomes au niveau d'un ou plusieurs gènes), est dit récessif lorsqu'il apparaît chez un enfant sans apparaître chez au moins l'un de ses parents (certains parlent de "saut de génération"). Il est dit dominant dans le cas contraire mais il n'y a jamais de certitude de dominance, uniquement des indications (nombreux individus présentant ce caractère dans l'arbre alors qu'il est rare dans la population, un enfant possédant le caractère supposé dominant a toujours au moins l'un de ses parents présentant ce caractère...).

Une fois établie la dominance ou récessivité du caractère considéré et uniquement alors, on regarde la transmission du caractère relativement au sexe. Là encore les cas de certitude sont extrêmement rares (et attention, il ne s'agit pas d'une certitude totale, elle n'est posée que dans le cadre de l'interprétation héréditaire mendélienne qui reste une hypothèse).

On prendra soin d'utiliser un vocabulaire précis montrant bien que la localisation autosomale ou gonosomale n'est qu'une interprétation chromosomique d'une transmission héréditaire. Lorsque l'on avance cette hypothèse on n'affirme pas qu'il y a un lien direct, absolu, physique entre les chromosomes en question et le caractère héréditaire.

La dernière étape consiste à formaliser, certainement de façon abusive (simplificatrice), ces hypothèses. A chaque caractère on fait correspondre un gène qui peut se présenter sous plusieurs formes alléliques. La localisation du gène expliquant la transmission héréditaire du caractère. Dans certains cas il faudra avancer l'hypothèse de trois allèles ou de plusieurs gènes (groupes sanguins de Landsteiner par exemple).

L'analyse statistique de la descendance de l'homme est réduite à l'énoncé des proportions théoriques des gamètes dans le cadre de l'hypothèse chromosomique avancée plus haut (hérédité mendélienne). La fréquence allélique au sein des populations relève d'une toute autre démarche et ne sera pas évoquée ici (cette notion a été retirée du programme à ma plus grande joie).

4.3 De la maladie héréditaire à la maladie génétique : une analyse qui n'est pas si simple
La liaison entre le génotype et le phénotype, le passage de la notion de transmission héréditaire à la caractérisation d'un gène, ... sont loin d'être précisément connues et toujours réductibles à des modèles simples. (voir Une histoire de la génétique en cours de rédaction... cette partie ne peut être abordée sans déboucher sur une analyse fine des marqueurs génétiques et donc empiéter sur le programme de spécialité SVT).
C'est Archibald Garrod (1857-?) qui exprime la première fois la possible relation entre un gène et une enzyme. Il travaille sur une anomalie métabolique humaine: l'alcaptonurie, qui affecte le métabolisme de la tyrosine et de la phénylalanine. Il propose en 1909 dans un article intitulé "Les erreurs innées du métabolisme", de justifier des déficiences enzymatiques héréditaires de l'homme (albinisme, cystinurie, pentosurie...) par des anomalies génétiques dues à l'inactivation de gènes codant pour certaines enzymes....
Depuis de nombreuses maladies à transmission héréditaire que l'on qualifie donc souvent de maladies génétiques peuvent être dépistées par des dosages enzymatiques. Un exemple classique est la maladie de Tay-Sachs qui est indécelable chez le nouveau-né puis se manifeste vers l'âge de six mois par des réactions de frayeur excessive au moindre bruit. Se développent ensuite une cécité progressive, une paralysie, un retard mental et un accroissement du volume crânien. L'issue toujours fatale, intervient vers trois ou quatre ans, est due à une dégénérescence progressive du système nerveux. C'est en 1969 que O'Brien et Okada, on prouvé que la maladie pouvait être mise en relation avec l'absence d'une enzyme: l'hexosaminidase A (Hes.A), indispensable à la dégradation de certains lipides. Le taux d'Hes.A est quasiment nul chez les enfants atteints de la maladie de Tay-Sachs et abaissé de moitié chez les individus supposés hétérozygotes vis-à-vis du gène codant pour cette enzyme par rapport au taux normal observé chez les individus sains n'ayant jamais eu d'ascendants ni de descendants atteints par cette maladie. Si ce marqueur enzymatique semble bien corrélé à la maladie on ne peut pas cependant affirmer que la maladie est due au seul dysfonctionnement de ce gène. On peut même affirmer sans grande crainte de se tromper qu'une maladie aussi complexe ne dépend probablement pas d'un seul gène. Nous avons donc à notre disposition un marqueur qui peut être affecté d'un certain coefficient de fiabilité. Malheureusement il n'existe pas de moyen simple de mesurer cette fiabilité. Les seules méthodes dont on dispose sont statistiques. Elles dépendent du recensement médical des cas et des résultats des dosages enzymatiques rapportés aux cas déclarés.

De la maladie génétique, on est vite passé à la maladie génique, c'est-à-dire à une maladie causée par un seul gène, ou du moins par un ensemble de gènes connus. Le cas le plus simple (?) est celui des ß-thalassémies dont la plus connue est la drépanocytose pour laquelle il semble y avoir une corrélation totale entre la mutation au niveau du gène de la chaîne ß de l'hémoglobine et le fonctionnement anormal de cette hémoglobine, qui serait à l'origine de tous les symptômes de cette maladie. Mais là encore, il est loin d'être certain que cette mutation est réellement la seule en cause. Si elle est toujours présente elle n'est pas cependant forcément la seule. On peut imaginer des dysfonctionnement au cours de l'embryogenèse, peut-être dus en partie au fonctionnement de ce gène ou à d'autres mécanismes causés par ce gène, peut-être même tout simplement dans l'approvisionnement en oxygène du fœtus par une mère hétérozygote... bref on est toujours dans le domaine des hypothèses et il est dangereux de considérer que l'on connaît LE gène et que donc la maladie est définitivement connue.

Les techniques de dépistage par hybridation de sondes radioactives ou fluorescentes ne changent pas le raisonnement de fond. Quel est le lien entre le gène trouvé et la maladie héréditaire ? On ne peut jamais répondre par autre chose qu'une série d'hypothèses, plus ou moins fiables. Ces hypothèses trouvent leur justification dans des les progrès faits dans la mise au point de thérapies. Ces études sont réservées aux élèves de spécialité.


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