PARTIE 3 (6 points) -  NOURRIR L'HUMANITÉ  ----------------------------------------------------------------------  SUJET D'ENTRAÎNEMENT QUI N'A PAS ÉTÉ POSÉ AU BAC
(un peu trop long, mais son but est de servir d'exercice et de source de documents)
EN COURS DE DISCUSSION

Nourrir l'humanité ou rémunérer quelques actionnaires ? La guerre des semences.


Sources : La guerre des graines, film de 2014, partisan et truffé d'inexactitudes (disponible sur Youtube) et un article d'André Gallais, agronome de l'INRA, mettant en évidence certaines faiblesses du film, mais présentant aussi des critiques assez peu convaincantes.
Site des semences paysannes (réseau impliqué dans la défense de la biodiversité par les citoyens et non par l'état ou les industriels, les analyses sont souvent très pertinentes). Ce site est aussi très utile pour appréhender la complexité des décrets sur les semences
(pas de loi). Autres liens dans le texte.

Docu
ment 1 : histoire d'un contrôle de l'état confié à un groupe privé : entre réglementation et confiscation
La sélection des graines est très ancienne, probablement aussi vieille que l'agriculture, mais la sélection n'est devenue scientifique (statistique) que vers 1850 avant de se développer à l'échelle industrielle avec l'essor de la génétique au cours du XXe siècle.
Au lendemain de la guerre de 39-45, l'état français a fait le choix de contrôler la production des semences tout en développant la recherche. Le contrôle s'est actuellement étendu à toute l'Union européenne.
En France, le GEVES (Groupe d'Étude et de contrôle des Variétés Et des Semences) est un groupement d'intérêt public (public-privé), organisme officiel assurant l'expertise sur les nouvelles variétés végétales et l'analyse de la qualité des semences. Il est constitué par l'INRA ((Institut National de la Recherche Agronomique, grand institut d'état qui contrôle surtout la recherche) , le Ministère de l'Agriculture  (qui contrôle l'aspect politique, législatif ou réglementaire) et le GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants, organisation interprofessionnelle (privée) qui en sus se défendre les intérêts économiques des semenciers à reçu de l'état la mission, par délégation de service public, du contrôle de la qualité et la certification des semences au sein du Service officiel de contrôle et de certification (SOC)).
Les semenciers sont aussi des chimistes - sauf le groupe français Limagrain -  et contrôlent la production mondiale (Mosanto, Limagrain, Dupont de Nemours, Bayer, Syngenta). La France est le premier pays exportateur de semences au monde qui emploie donc de très nombreux agriculteurs comme multiplicateurs de semences.
La mise en place d'un catalogue des semences s'est assortie d'une obligation d'inscription qui a un coût certain et doit être renouvelée, ce qui n'est pas à la portée des paysans qui souhaiteraient déposer leurs propres variétés. Les variétés de semences sont référencées avec leur "propriétaire". La certification n'est pas vraiment une propriété du vivant, mais un certificat d'obtention d'une variété artificielle* (COV).
Chaque agriculteur qui achète les semences référencées (de 21 espèces de blé, colza, luzerne, maïs...), soit en achète de nouvelles chaque année, soit peut utiliser une partie de sa récolte pour resemer l'année suivante, mais en payant une redevance.  Les petits agriculteurs (production < 92 t) n'ont pas besoin de payer cette redevance dite de semences paysannes. Pratiquement les semences sont réutilisées au maximum sur deux ou trois années du fait de la perte des caractères. Il existe des variétés anciennes qui ont échappé au catalogue (voir ici) et qui sont donc échangées et même vendues sans droits particuliers (à part la restriction de leur commercalisation) et qui permettent à tout un chacun de produire ses propres semences d'une année sur l'autre.
Depuis 1980 est apparu un droit intellectuel de propriété sur le vivant qui n'est plus considéré comme un bien commun, mais qui peut être exploité.

*artificielle : du latin ars, artis =art ; et facere = faire

Document 2 : données génétiques simplifiées sur le clonage et l'hybridation
CLONE
Un clone est une population composée d'individus possédant le même patrimoine génétique. La vie ne fournit des clones que dans le cas de vrais jumeaux qui sont issus de la même cellule œuf : c'est l'unique embryon qui se clive et donne deux embryons qui évoluent ensuite séparément. Il est donc faux de dire qu'un champ de blé, même d'hybrides(voir ci-dessous) est un champ de clones, par contre il est exact de dire que ces hybrides sont identiques vis-à-vis de certains caractères héréditaires (ceux qui sont sélectionnés pour leur intérêt économique), mais ce ne sont pas des plantes génétiquement identiques, même si le semencier recherche cette uniformité.

HYBRIDES
La révolution des hybrides réalisée dans les années 1950 consiste à confier à des semenciers la production de graines donnant des plants uniformes adaptés à une agriculture intensive mécanisée, qui en contrepartie d'apports d'engrains et de fongicides, fournit des rendements mirobolants.
Afin de comprendre l'hybridation , nous allons utiliser le formalisme des lois d'hybridation issues des études de frère Grégor (Johann Mendel) vers 1860. Chaque caractère stable associé à un gène héréditaire est issu de la combinaison de deux allèles, l'un provenant du père, l'autre de la mère. Les allèles sont la forme des gènes. La liste des allèles est appelée génotype. L'apparition (présence visible) du caractère est appelée phénotype. Lorsque qu'un individu porte deux allèles identiques par rapport à un caractère on dit qu'il est homozygote ou de lignée pure. Lorsqu'un individu porte deux allèles différents pour un caractère on dit qu'il est hétérozygote ou hybride. Certains allèles sont dits dominants parce qu'ils apparaissent même lorsqu'ils sont en un seul exemplaire chez un descendant. Les allèles qui nécessitent deux exemplaires pour se manifester sont dits récessifs.
Voici des exemples sur des graines de pois issus des travaux de Mendel.
On étudie un caractère porté par un gène qui contrôle la "forme de la graine". L'allèle "graine lisse - noté L" est dominant par rapport à l'allèle "graine ridée - noté r".  Un individu de lignée pure avec des graines lisses (le génotype est noté L//L en plaçant les deux allèles de part et d'autre d'une double barre de fraction), alors qu'un hybride avec des graines lisses possédera les deux allèles "graine lisse" et "graine ridée" mais l'allèle "graine ridée" sera caché (L//r). On notera que les individus aux graines ridées ne peuvent être que de lignée pure (r//r) puisque l'allèle "graine ridée" est récessif et donc qu'il n'apparaîtra pas chez l'hybride (L//r). On a l'habitude de représenter les résultats des croisements sous forme d'un tableau dit "tableau des gamètes" très expressif. Les allèles portés par les gamètes des parents (F0) sont sur fond jaune. Ceux des hybrides sur fond rouge. Le phénotype de l'hybride est "graines lisses"  Tous les descendants (F1) ont le phénotype "graines lisses" avec un génotype identique L//r, car l'allèle "lisse" est dominant sur l'allèle "ridée". On dit que la F1 est homogène (vis-à-vis de ce caractère).
F0-F1 L
r L//r

Les lignées pures sont stables, car leurs caractères se transmettent de génération en génération si l'on prend soin de ne les croiser qu'entre elles.
F0-F1 L
L L//L

F0-F1 r
r r//r

Les hybrides croisés entre eux ne sont pas aussi stables. En effet, en prenant toujours l'exemple des graines lisses et ridées, l'individu issu du croisement de lignées pures de pois aux graines lisses (L//L) et de pois au graines ridées (r//r) possède donc les deux allèles parentaux L//r (chaque parent ayant donné le seul allèle qu'il possédait) : c'est un hybride de première génération (F1).
F0-F1 L
r L//r
 Si l'on croise ces hybrides entre eux, chaque parent hybride peut donner deux allèles différents "r" ou "L". On voit tout de suite que les hybrides de deuxième génération (F2) ne sont pas homogènes. Si l'on considère que chaque plante donne avec la même probabilité l'un ou l'autre de ses allèles, on obtient 50% de plantes identiques aux lignées pures parentales - 25% de génotype  (L//L)  et 25% de génotype( r//r) - et 50% de descendants identiques à la lignée hybride (L//r). Du point de vue phénotypique, les 3/4 des descendants ont des graines lisses (génotypes L//L et L//r) alors que seuls 1/4 des descendants ont des graines ridées (génotype r//r).
F1-F2 L r
L L//L L//r
r L//r r//r

Cette instabilité et cette hétérogénéité de la F2 empêchent l'acheteur de graines hybrides de réutiliser les graines qu'il a lui-même obtenues, sauf à accepter de nettement moins bons rendements qu'avec les plantes parentales. Les hybrides ne sont généralement pas stériles. Cependant il existe des espèces pour lesquelles le semencier ajoute des gènes de stérilité qui empêchent l'emploi des semences (stérilité mâle de certaines variétés de colza par exemple).
Sans pour autant être tout à fait satisfaisantes scientifiquement les lois d'hybridation établies par Mendel et ses successeurs modernes sont redoutablement efficaces. Les semences sélectionnées pour posséder un ensemble de caractères (allèles) stables donnent effectivement des plantes possédant ces caractères (taille des grains, nombre de grains, résistance au vent, résistance à la sécheresse...). Mais comme ce sont des hybrides pour de très nombreux caractères, on ne peut pas les croiser entre eux si l'on veut récupérer une seconde génération possédant les mêmes caractères. En effet si l'on sème ces hybrides et qu'on les laisse fleurir et monter en graine (la graine n'apparaît que s'il y a fécondation), les graines obtenues seront issues des croisements naturels (fécondations) entre les plantes voisines et donc entre les hybrides du champ (ou des champs voisins dont le pollen a été transporté par le vent ou les insectes). Pour certaines espèces (rares) il y a autofécondation : les gamètes d'une même plante se fécondent entre eux, mais la plupart des plantes présentent des moyens naturels pour l'éviter (incompatibilité entre pollen et partie femelle, décalage de maturation des parties ou des fleurs mâles et femelles...). La fécondation a donc lieu le plus souvent entre les différents pieds de même espèce d'un même champ.

La vigueur hybride désigne historiquement l'observation chez le maïs dans les années 1910 d'une meilleure croissance des hybrides par rapport aux lignées pures. On atteint vite la limite du modèle héréditaire présenté ci-dessus si l'on se contente de l'explication la plus courante qui consiste à dire que cette propriété des hybrides repose sur leur capacité à empêcher l'apparition des caractères liés aux allèles récessifs. En supposant que les allèles peu intéressants pour l'économie (et qualifiés de "tares") sont récessifs, les lignées hybrides pour de très nombreux caractères sont plus intéressantes ("vigoureuses") que les lignées pures pour ces caractères. Il est clair que cela dépend des caractères. Cette notion peut sembler un peu dépassée. Sans que l'on puisse en faire une étude exhaustive il est certain que les plantes sauvanges sont des hybrides pour la majorité de leurs caractères.

Document 3  : quelques citations
a - « ... le vivant ne saurait en effet être approprié ou géré par des États, directement ou en accordant des délégations ! En revanche, les états et les instances internationales ont certainement à organiser la conservation des possibilités d’usage et de reproduction du vivant, dans toute sa diversité. [...] C’est contradictoire avec des droits de propriété privée, qui, du fait de la nature même du vivant, reviennent à contrôler et s’approprier la capacité d’entretien et de reproduction de l’ensemble des espèces et mettent en jeu l’équilibre biologique de la planète.» Geneviève Azam,  Les droits de propriété sur le vivant, Développement durable et territoires, 2008 Dossier 10 | 2008, mis en ligne le 07 janvier 2013, consulté le 18 mars 2017. URL : http://developpementdurable.revues.org/5443 ; DOI : 10.4000/developpementdurable.5443

b - Le dirigeant de Sofiproteol ne voit pas en quoi la reproduction à la ferme serait un facteur de biodiversité : « Pour les grandes cultures, aucune variété utilisée n’est le fruit d’une conservation ancestrale ; toutes ont été développées grâce à la création variétale. » Faux, estime Guy Kastler, du réseau Semences paysannes : « Des caractères nouveaux apparaissent, permettant à la plante d’être mieux adaptée au sol, au climat, aux conditions locales. Il est alors possible de réduire les engrais et les pesticides. À l’inverse, les semenciers adaptent les plantes aux engrais et aux pesticides, qui sont partout les mêmes. » Deux visions de l’agriculture et de l’alimentation s’affrontent, y compris dans les travées de l’Assemblée. Nolwenn Weiler (Bastamag, 2011)

c - Les variétés paysannes de maïs avaient quasiment disparu du paysage agricole avec l’arrivée des variétés hybrides, lors de l’intensification de l’agriculture. À nouveau cultivées, principalement sans irrigation, depuis une quinzaine d’années par des agriculteurs passionnés – souhaitant proposer des produits de qualité, préserver la biodiversité cultivée et l’environnement, et se réapproprier un geste millénaire (l’autoproduction de la semence) –, elles présentent des caractéristiques nutritionnelles et gustatives remarquables. La semoule et la farine de maïs sont des produits peu chers, simples à cuisiner et permettant de composer des plats nutritifs, compatibles avec les régimes végan et sans gluten. Du maïs paysan dans mon assiette ! Editions de Terran 2016


QUESTIONS
 
Question 1 . On compare un champ "moderne" de blé avec des blés ayant tous la même hauteur,  la même couleur,  la même maturation, et un champ ensemencé avec des semences anciennes variées avec des blés de différente taille et couleur.
Cochez la seule affirmation exacte.
  1. Le champ moderne est composé uniquement d'hybrides vis-à-vis de certains caractères sélectionnés
  2. Le champ moderne est composé uniquement d'hybrides toujours stériles
  3. Le champ moderne est composé de clones
  4. Le champ avec des variétés anciennes est composé de plantes de races pures pour tous leurs caractères
Réponse 1
La réponse 2 est fausse puisque les hybrides sont rarement stériles. La réponse 3 est fausse parce que dans un champ d'hybrides les individus sont génétiquement identiques pour certains de leurs caractères sélectionnés, mais pas pour tous. La réponse 4 est fausse parce que les variétés anciennes peuvent très bien être hybrides, mais pas de façon systématique.


Question 2 : Un fermier décide de réutiliser une seconde année les graines F2 qui ont été produites par les croisements chez ses hybrides F1. En réutilisant le formalisme du document 2, à quelles proportions de graines de pois lisses et ridées doit-il s'attendre ? Sans faire de calcul précis  pour justifier ce résultat, indiquez la seule réponse qui est exacte.
  1. Il obtient 100% de graines lisses
  2. Il obtient 100% de graines ridées
  3. Il obtient plus de graines lisses que de graines ridées
  4. Il obtient plus de graines ridées que de graines lisses.

Réponse  3
1 est faux puisque certaines plantes de génotype r//r croisées avec des r//r redonneront bien des plantes aux graines ridées.
2 est faux pareillement en raisonnant sur les plantes de génotype L//L.
4 est faux. L'allèle "graine lisse" est dominant sur l'allèle "graine ridée". On peut donc penser qu'on aura toujours le phénotype "graine lisse" dominant.
Voici le raisonnement complet : la population semée contient 1/4 de plants de génotype L//L, 1/4 de génotype r//r et 1/2 de L//r. On suppose que tous les types de croisement peuvent avoir lieu avec la même probabilité. Dans un tableau des gamètes les allèles L sont donc fournis avec une probabilité de 1/4 + 0 + 1/2 x 1/2 = 1/2. Les allèles r donc aussi avec cette même probabilité de 1/2. Ceci pour chaque plante mère. Donc le tableau des gamètes est identique pour le F2-F3 que pour le F1-F2 et l'on retrouve les mêmes proportions 3/4 de descendants de phénotype "graines lisses" et 1/4 des descendants de phénotype "graines ridées". On notera que cette proportion se retrouvera inchangée dans toutes les générations suivantes si les caractères sont stables.

F2-F3 L (1/2) r (1/2)
L (1/2) L//L L//r
r (1/2) L//r r//r


Question 3 : Discutez l'intérêt et le danger des hybrides pour l'agriculture (en présentant des arguments pour et contre la pratique de la culture intensive à partir d'hybrides du commerce).

La réponse à cette question complexe dépend grandement de la culture et de la sensibilité de chaque élève. On peut considérer que la question est traitée si l'élève apporte au moins deux arguments en faveur et deux arguments en la défaveur de l'utilisation industrielle d'hybrides.
La perte de la biodiversité dans les champs industriels va de pair avec l'appauvrissement des caractères nutritionnels des espèces cultivées au profit de leur très grande productivité et leur adaptation aux méthodes de l'agriculture intensive (utilsation d'engrais, travail de la terre, résistance aux traitements contre divers parasites...).
La révolution des hybrides est un fait, mais son bien fondé est de plus en plus contesté par des gens qui dénigrent à l'État le droit de s'arroger le contrôle des semences qui appartiennent, comme tout être vivant au bien commun de l'humanité. L'État a probablement un rôle à trouver dans la protection de la qualité des semences, en proposant des services et non des réglementations et sans empêcher le développement d'une agriculture paysanne de partage et de réseaux locaux qui semble favoriser grandement le développement humain des territoires.