PARTIE 1 (8 points) - NOURRIR L'HUMANITÉ
 
Le chuño témoigne de l´ingéniosité dont faisaient preuve les civilisations des Andes. Les plus anciennes traces de chuño ont été découvertes sur le site archéologique de Tihuanaco sur les rives du lac Titicaca dans la région de Puno au Pérou. Elles datent d’environ 1000 ans avant J.C.. Cette technique est encore aujourd´hui pratiquée à grande échelle par les populations des Andes centrales.
 

Document 1 : Conditions et mode de préparation du chuño


Le chuño s’obtient à partir de variétés de pommes de terre amères endémiques* des Andes. Il est élaboré par les populations paysannes de l’Altiplano péruvien. Cette région de hauts plateaux se caractérise par des altitudes très élevées (jusqu’à 4800 m), des températures très froides (moyenne de -10 °C en hiver), un fort rayonnement solaire entraînant un contraste thermique important entre le jour et la nuit et un très faible taux d’humidité de l’air. Dans ces conditions climatiques, l’activité bactérienne peut tout de même subsister.
Les pommes de terre sont étalées sur un lit de paille de grande surface par une nuit glaciale. Le jour suivant, en cours de décongélation, elles sont foulées au pied ; l’eau en est ainsi extraite et elles sont débarrassées de leur peau. Enfin, elles restent exposées au soleil durant les heures les plus chaudes. Ces opérations sont répétées durant une quinzaine de jours jusqu’à dessiccation** complète.
Lorsqu’elles sont sèches, les pommes de terre sont presque noires et très dures. Elles gardent leur valeur nutritive et perdent une partie de leur amertume. Le chuño peut se conserver durant plusieurs mois voire plusieurs années. Il constitue une réserve alimentaire permettant aux populations andines de lutter contre les pénuries liées essentiellement à la rudesse du climat.

D’après : "Des Andes à l'Amazonie" de Luigi Balzan

*variétés propres à un territoire bien délimité
**séchage


Document 2 : Les méthodes de séchage


Les méthodes de séchage des aliments sont basées sur le phénomène d’évaporation régi par la loi de Dalton. Pour une température donnée, la masse m d’eau évaporée par unité de temps dépend essentiellement de la surface d’évaporation S et de la pression atmosphérique P qui elle-même diminue avec l’altitude.




Document 3 : Les glycoalcaloïdes.


La pomme de terre contient des glycoalcaloïdes : la solanine et la chaconine. Dans les tubercules de pomme de terre, la concentration en glycoalcaloïdes est habituellement inférieure à 10 mg/100 g et elle diminue normalement avec l'épluchage mais dans les variétés amères, cette concentration peut atteindre 80 mg/100 g dans le tubercule et 150 à 220 mg/100g dans la peau. La présence de ces glycoalcaloïdes est imperceptible aux papilles gustatives à moins que la concentration ne soit supérieure à 20 mg/100 g, ce qui rend le goût amer. A de plus fortes concentrations, ils causent une sensation de brûlure persistante comme le piment rouge et deviennent toxiques.
Les glycoalcaloïdes sont solubles dans l’eau mais ne sont pas détruits durant la cuisson normale car leur température de décomposition dépasse les 240 °C. Leur teneur dans la pomme de terre peut augmenter à la suite de meurtrissures produites au moment de la récolte ainsi qu’au cours d’un entreposage à des températures inférieures à 10 °C.

D’après : www.fao.org

COMMENTAIRE RÉDIGÉ :

Le chuño est un exemple de l’ingéniosité des peuples andins pour rendre consommables et conserver leurs pommes de terre.

Proposez des arguments scientifiques expliquant l’efficacité de cette technique.

Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les documents et sur votre culture (qui intègre, entre autres, les connaissances acquises dans les différents champs disciplinaires).




Éléments de correction personnels :
Le chuño est un aliment local qui répond à des contraintes climatiques (une forte amlitude thermique nocturen/diurne et une faible humidité de l'air), géographiques (altitude élevée, ce qui implique une évaporation plus facile qu'à basse altitude - première courbe du document 2) et biologiques (une espèce ancestrale endémique de pomme de terre très amère qui pousse naturellemnt, mais dont le mode de préparation doit diminuer l'amertume) particulières.
Le premier procédé utilisé et le séchage. Si l'évaporation est relativement facile du fait de la faible humidité de l'air et de la haute altitude (voir loi de Dalton), il reste nécessaire de briser la peau du tubercule qui empêche la perte de liquide. Pour cela la technique de la congélation/décongélation permet de fragiliser le tubercule relativement mou à température ambiante en le rigidifiant, ce qui favorise sa fracture lors du foulage.
C'est le séchage (dessication) qui est responsable de la bonne capacité du chuño a être conservé de longs mois, voire des années. La faible humidité de l'air favorise aussi le peu de développement d'éventuels micro-organismes. On notera bien sûr que l'étalement des tubercules (en évitant de les faire se chevaucher) favorise l'évaporation du jus produit.
Le second procédé concerne la diminution de l'amertume des pommes de terre. Si l'essentiel des composés amers (glycoalcaloïdes) se trouve dans la peau, la technique utilisée ici permet d'enlever la peau au cours des nombreuses étapes de décongélatipon-écrasement. Cependant, pour les glycoalcaloïdes déjà contenus dans la chair du tubercule, c'est l'extraction du jus qui est le plus efficace puisque ces alcaloïdes sont solubles dans l'eau, alors que l'étalement à de faibles températures (-10°C de moyenne en hiver) aurait plutôt tendance à renforcer leur teneur. L'exposition solaire aux heures les plus chaudes ne permettant pas de décomposer ces alcaloïdes qui peuvent résister jusqu'à 240°C. L'amertume et donc le goût piquant et la sensation de brûlure doivent donc tout de même subsister lorsque l'on consomme ces tubercules séchés. Il est à noter que ces composés ne sont pas toxiques.
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